Sénégal : La dette publique dépasse les 23 200 milliards FCFA à fin 2024.

Le gouvernement sénégalais a officiellement levé le voile sur le niveau réel de sa dette publique. Selon le Document de programmation budgétaire et économique pluriannuelle (DPBEP) 2026-2028, l’encours de la dette de l’administration centrale s’établit à 23 273,4 milliards FCFA à fin 2024. Ce chiffre marque une hausse de 27,24 % par rapport à l’année précédente et confirme les inquiétudes formulées depuis plusieurs mois, notamment par la Cour des comptes.
Ce montant met un terme à la confusion qui régnait entre les différentes estimations avancées par les autorités sortantes et entrantes. Il inclut désormais la dette bancaire, identifiée grâce à un audit récemment mené. Pour en garantir la fiabilité, un cabinet externe est chargé de certifier les données.
Une dette majoritairement en devises étrangères
L’analyse du portefeuille de la dette sénégalaise révèle une forte exposition au risque de change. Près de 71 % de l’encours total, soit 16 514,8 milliards FCFA, est libellé en monnaies étrangères. Si l’euro en représente la part la plus importante (43 %), sa relative stabilité face au FCFA ne suffit pas à compenser les risques liés aux autres devises plus volatiles. Une dépréciation de ces monnaies pourrait alourdir significativement le coût de la dette pour l’État.
En ce qui concerne les taux d’intérêt, la dette à taux fixe reste dominante (76,6 %), mais la part à taux variable continue de progresser (23,4 %), en lien avec la hausse des emprunts commerciaux et des crédits à l’exportation. Ces derniers sont souvent indexés sur des références comme l’Euribor ou le SOFR, exposant davantage le budget national aux évolutions des marchés financiers.
Des échéances lointaines, mais un risque de refinancement persistant
La structure de maturité de la dette semble relativement solide : 98 % de l’encours est composé d’emprunts à moyen et long terme, limitant ainsi les risques de refinancement immédiat. Toutefois, cette apparente solidité est à relativiser. La suspension du programme avec le FMI, les tensions géopolitiques et le durcissement des conditions de financement pourraient compliquer l’accès futur aux marchés, voire en renchérir le coût.
Une dépendance marquée aux financements extérieurs
La dette sénégalaise est largement détenue par des créanciers étrangers : 78,63 % de l’encours total (soit 18 299,1 milliards FCFA) est entre les mains de non-résidents. Cette dépendance expose le pays aux décisions des investisseurs internationaux et aux aléas des marchés mondiaux. La part détenue par les résidents, désormais à 21,37 %, a augmenté principalement du fait de l’intégration de la dette bancaire nationale révélée par l’audit.
Enfin, un risque budgétaire supplémentaire provient de la dette garantie par l’État, estimée à 1 343,35 milliards FCFA. Si les entités publiques concernées venaient à faire défaut, l’État devrait honorer ces engagements, ce qui pourrait créer une pression inattendue sur les finances publiques.
Y.Berthé