Renégociation du projet d’usine de dessalement au Sénégal : Vers un partenariat plus équilibré avec l’Arabie saoudite.

Le projet phare d’usine de dessalement d’eau de mer à Dakar, longtemps critiqué pour son coût jugé excessif, change de cap. Le Sénégal et l’Arabie saoudite ont conclu un nouvel accord autour de cette infrastructure stratégique. Estimé à 458 milliards FCFA, le projet est porté par ACWA POWER, un acteur saoudien majeur de l’énergie et de l’eau. Cette renégociation intervient dans un contexte où le gouvernement de Bassirou Diomaye Faye cherche à défendre les intérêts du pays dans ses engagements contractuels internationaux.
Une baisse des charges pour les finances publiques
Dans la version initiale du contrat, signée par le président sortant Macky Sall peu avant la présidentielle de 2024, l’État devait verser un loyer net de 20 milliards FCFA par an à partir de 2027, puis 40 milliards dès 2030. Le nouveau contrat réduit cet effort financier : le Sénégal ne paiera que 17,5 milliards FCFA entre 2027 et 2029, puis 35 milliards à partir de 2030. Un allègement qui s’inscrit dans une volonté de rendre le projet plus soutenable pour les finances publiques.
Les coûts d’exploitation du projet seront également réduits de 4,5 millions d’euros par an (soit environ 3 milliards FCFA), une optimisation rendue possible grâce à la révision des paramètres techniques et financiers.
Un prix de l’eau plus abordable pour l’avenir
Autre gain notable : le prix du mètre cube d’eau produit par l’usine passera de 427 FCFA à 398 FCFA. Cette baisse, bien que relative, constitue un pas vers une meilleure accessibilité de l’eau potable dans un contexte de pression démographique et de stress hydrique croissant à Dakar.
Un contrôle renforcé des acteurs sénégalais
Le nouveau cadre contractuel accorde une place plus importante aux entreprises publiques sénégalaises. La SONES (Société nationale des eaux du Sénégal) devient actionnaire de la société qui exploitera l’usine. De son côté, la SENELEC (électricité) détiendra des parts dans la société en charge des centrales solaires annexes. Ces deux entités joueront ainsi un rôle stratégique dans la gestion et le suivi des activités.
La capacité de production électrique des centrales photovoltaïques sera augmentée de 200 MW à 300 MW. Cette énergie servira prioritairement à alimenter l’usine de dessalement. Le surplus sera revendu à la SENELEC à un prix avantageux de 18 FCFA/KWh, permettant à l’État d’alléger encore davantage le coût global de l’eau.
Un marché ouvert et des perspectives régionales
L’accord prévoit aussi l’ouverture du marché du dessalement à la concurrence, avec un droit de regard renforcé de la SONES. En cas d’économies réalisées, 2/3 des gains reviendront au projet et 1/3 à ACWA POWER.
Dans une logique de développement durable, le contrat prévoit également que le partenaire saoudien s’implique dans la formation de la main-d’œuvre locale. Il est envisagé la création d’un institut de formation dédié aux métiers de l’eau et de l’énergie, afin de renforcer les compétences nationales et régionales.
Ce nouveau partenariat pourrait faire école : le Sénégal souhaite reproduire ce modèle dans d’autres pays d’Afrique de l’Ouest, dans une optique d’intégration régionale et de coopération Sud-Sud.
Une réorientation politique majeure
Le président Diomaye Faye avait suspendu le projet dès son arrivée au pouvoir, dénonçant les conditions jugées déséquilibrées de l’accord signé par son prédécesseur. Cette renégociation marque un tournant : elle symbolise la volonté du nouveau pouvoir de replacer l’intérêt national au cœur des partenariats stratégiques.
L’usine de dessalement est conçue pour produire 400 000 m³ d’eau par jour, déployée en deux phases : 200 000 m³/j dès 2033 et 200 000 m³/j supplémentaires en 2043. Elle deviendra ainsi l’infrastructure de production d’eau potable la plus importante du pays, dépassant KMS3 (Keur Momar Sarr 3) et ses 200 000 m³/j.
La Rédaction