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Prévisions budgétaires : Quand l’anticipation devient le talon d’Achille de l’action publique.

Au Mali comme ailleurs, l’élaboration du budget reste un exercice délicat, souvent entaché par des prévisions irréalistes. Une tendance qui fragilise la mise en œuvre des politiques publiques, avec des conséquences directes pour les citoyens.

Chaque année, les gouvernements annoncent des budgets ambitieux : plus d’écoles, des hôpitaux modernisés, de nouvelles routes, des services de proximité renforcés. Mais derrière les promesses affichées se cache une réalité plus complexe. L’efficacité de l’action publique ne commence pas lors du premier décaissement, mais bien en amont : au moment de l’élaboration du budget. C’est là que tout se joue.

Des prévisions mal calibrées — qu’elles soient trop optimistes ou mal fondées — peuvent provoquer un effet domino : projets non réalisés, retards dans les paiements, perte de crédibilité auprès des bailleurs et, surtout, services publics dégradés pour les citoyens.


Des écarts inquiétants entre promesses et réalité

Une analyse récente, fondée sur le cadre international PEFA (Dépenses publiques et responsabilité financière), a examiné plus de 300 jeux de données issus de 85 pays, entre 2012 et 2024. Objectif : mesurer les écarts entre les prévisions et la réalité, tant pour les recettes que pour les dépenses.

Quatre scénarios émergent :

  • Dans 18 % des cas, recettes et dépenses dépassent les prévisions ;
  • Dans 19 %, les recettes sont supérieures, mais les dépenses restent en deçà ;
  • Dans 14 %, les dépenses explosent malgré des recettes insuffisantes ;
  • Enfin, près d’un cas sur deux présente des recettes et des dépenses en baisse par rapport au budget voté.

C’est ce dernier scénario qui domine dans la plupart des pays africains, y compris le Mali. Il révèle une dépendance mécanique entre les recettes collectées et les dépenses engagées. En clair, si les recettes sont inférieures aux attentes, les projets sont immédiatement réduits ou gelés.


Une surestimation chronique des recettes

Les chiffres sont sans appel : 63 % des budgets analysés surestiment les recettes, et 68 % n’atteignent pas les objectifs de dépenses. Ce manque de crédibilité budgétaire affecte la qualité des services publics : les chantiers d’infrastructures sont retardés, les programmes sociaux diminués, et les citoyens peinent à voir les effets concrets des politiques annoncées.

Au Mali, cela se traduit par des routes laissées en chantier, des écoles mal équipées, et des centres de santé qui fonctionnent au ralenti faute de ressources suffisantes.


Améliorer les prévisions, une priorité stratégique

Pour sortir de ce cercle vicieux, les États doivent renforcer leur capacité à estimer de façon réaliste leurs recettes fiscales. Cela passe par :

  • une meilleure collecte des impôts,
  • des modèles économiques adaptés à la réalité locale,
  • une coordination plus fine entre les administrations fiscales et budgétaires.

C’est un enjeu crucial pour des pays comme le Mali, où chaque franc compte dans la lutte contre la pauvreté et pour le développement.


Une chute budgétaire, une chute de confiance

En définitive, un budget mal conçu n’est pas simplement un problème technique. C’est un manquement à la promesse sociale. Pour les citoyens, cela signifie des attentes déçues, une défiance accrue envers l’État, et un affaiblissement du lien de confiance entre les institutions et la population.

Si la rigueur budgétaire ne fait pas rêver, elle reste pourtant la première condition d’une action publique efficace. Il ne suffit pas de promettre, encore faut-il pouvoir tenir.


La Rédaction

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