PME africaines : Google et la ZLECAf misent sur l’IA pour ouvrir le marché unique aux “petits”
La Zone de libre-échange continentale africaine ZLECAf se joue aussi loin des sommets de chefs d’État et des grandes conférences internationales
Elle se joue dans les bureaux exigus des petites entreprises dans les boutiques en ligne bricolées sur un coin de smartphone et dans les ateliers où l’on vend local en rêvant de livrer tout le continent
C’est justement ce maillon que veulent renforcer Google et le Secrétariat de la ZLECAf avec un programme de formation d’ampleur
Objectif annoncé
former 7 500 PME africaines à l’intelligence artificielle et au commerce numérique pour qu’elles puissent enfin tirer parti du marché unique africain
Un programme massif pour 7 500 PME sur tout le continent
L’initiative est portée conjointement par Google et le Secrétariat de la ZLECAf et s’appuie sur la Google Hustle Academy déjà utilisée pour former plus de 18 000 PME africaines depuis 2022
Cette fois l’ambition monte d’un cran
- 7 500 petites et moyennes entreprises sont ciblées
- réparties dans plusieurs pays membres de la ZLECAf
Nigeria Kenya Afrique du Sud Ghana Cameroun Sénégal Côte d’Ivoire Maroc Tunisie entre autres - avec des formations proposées en anglais français arabe et portugais pour couvrir au mieux la diversité linguistique du continent
Le message est clair
Si la ZLECAf veut être autre chose qu’un PDF signé à Addis Abeba il faut que les PME puissent vendre au delà de leur quartier de leur ville et de leurs frontières
IA, commerce numérique et cloud au menu
Le programme repose sur trois grands piliers, tous centrés sur la transformation concrète des entreprises
1 Commerce numérique transfrontalier
Les modules doivent aider les entrepreneurs à
- adapter leurs produits à différents marchés africains
- comprendre les règles et pratiques du commerce transfrontalier
- gérer paiements, logistique et livraison dans le cadre de la ZLECAf
L’idée est simple
Une vendeuse de produits cosmétiques à Lomé ou un fabricant de chaussures à Abidjan ne doivent plus voir les frontières comme un mur mais comme un réglage logistique de plus à maîtriser
2 Outils cloud et productivité
Le programme pousse les PME vers l’usage d’outils collaboratifs et du cloud notamment via l’écosystème Google
L’objectif est de
- mieux organiser l’entreprise
- sécuriser les données
- réduire certains coûts d’infrastructure informatique
3 Intelligence artificielle appliquée au business
C’est le volet le plus sensible mais aussi le plus vendeur
Les entrepreneurs sont initiés à l’utilisation d’outils d’IA générative comme Google Gemini pour
- automatiser des tâches répétitives
- analyser des données clients
- produire des contenus marketing : textes, visuels, scripts
Dans un continent où la plupart des petites entreprises comptent un patron multitâches capable de tout faire lui même l’IA est présentée comme un “assistant virtuel” permettant de gagner du temps plus que comme un gadget futuriste
Les PME au cœur de l’économie africaine
Si Google et la ZLECAf misent sur les PME ce n’est pas par romantisme entrepreneurial
Les petites et moyennes entreprises représentent près de 80 pour cent des emplois sur le continent selon les chiffres rappelés dans le cadre du programme
Pour la ZLECAf l’enjeu est double
- éviter que le marché unique ne profite qu’aux grands groupes déjà structurés
- faire des MPME un moteur réel du commerce intra-africain
Pour Google le gain est tout aussi évident
- diffuser ses outils et ses services auprès de milliers d’entreprises
- s’installer durablement dans les écosystèmes numériques africains
- être visible comme acteur “utile” et pas seulement comme géant technologique américain
ZLECAf Google une alliance entre diplomatie commerciale et puissance numérique
Le Secrétaire général de la ZLECAf Wamkele Mene insiste sur l’alignement de cette initiative avec les protocoles sur le commerce numérique et sur les femmes et les jeunes dans le commerce
L’objectif est que les
“MPME, les femmes, les jeunes, les personnes handicapées et les agriculteurs en zone rurale”
deviennent des bénéficiaires directs de la ZLECAf et pas de simples spectateurs des discours officiels
Du côté de Google Charles Murito responsable des affaires publiques en Afrique subsaharienne rappelle que la technologie est vue comme
“une arme puissante dans la lutte contre les inégalités”
Le récit est calibré
- la ZLECAf apporte le cadre politique et commercial
- Google apporte la technologie, les contenus de formation et l’infrastructure numérique
Au milieu les PME sont invitées à apprendre vite sous peine de regarder passer le train
Un calendrier serré et 25 cohortes jusqu’en juin 2026
Le programme démarre à partir de novembre 2025 et doit se déployer jusqu’en juin 2026
Il sera structuré en 25 cohortes successives permettant d’accueillir progressivement les 7 500 entreprises ciblées
Les PME intéressées doivent
- être en activité depuis au moins six mois
- opérer dans un pays membre de la ZLECAf
- et disposer d’un minimum de présence ou d’ambition en ligne
Les inscriptions se font via les canaux de la Google Hustle Academy et les relais officiels du Secrétariat de la ZLECAf
Une opportunité réelle mais des questions ouvertes
Sur le papier difficile de critiquer un programme qui offre gratuitement des compétences numériques à des milliers de petites entreprises africaines
Plus de maîtrise du commerce en ligne, plus de productivité et une meilleure compréhension des outils d’IA peuvent clairement changer la trajectoire d’une PME
Mais plusieurs questions restent en suspens
- Les bénéficiaires seront-ils suffisamment diversifiés ou verra-t-on surtout des entreprises déjà connectées aux écosystèmes tech des grandes villes ?
- La formation permettra-t-elle réellement de convertir des compétences en chiffre d’affaires ou restera-t-elle au stade de sensibilisation inspirante ?
- Enfin l’alliance avec un géant comme Google ne renforce t elle pas une forme de dépendance technologique alors même que l’Afrique discute de souveraineté numérique
Une ZLECAf qui commence enfin dans les back offices des PME
Avec ce programme la ZLECAf quitte un peu les communiqués et les grandes déclarations pour entrer dans le dur
celui des tableaux Excel mal tenus, des pages Facebook bricolées et des sites e-commerce sous-alimentés
Si les 7 500 PME ciblées parviennent réellement à utiliser l’IA et le commerce numérique pour vendre au delà de leurs frontières alors une partie du pari sera gagné
Reste à voir si ce type d’initiative restera une vitrine de plus ou deviendra le début d’un mouvement de fond
Celui où le marché unique africain cessera d’être une idée séduisante pour devenir le quotidien d’un commerçant de Douala d’une couturière de Dakar ou d’un agro transformateur de Kumasi
La Rédaction



