Pétrole : L’AIE revoit ses prévisions, la planète pourrait consommer encore plus jusqu’en 2050.
Alors qu’on annonçait son déclin, le pétrole semble refuser de passer la main. Dans son dernier rapport World Energy Outlook 2025, publié le 12 novembre, l’Agence internationale de l’énergie (AIE) revoit ses perspectives : la consommation mondiale d’or noir pourrait continuer à augmenter jusqu’en 2050, si les politiques énergétiques actuelles restent inchangées. Une douche froide pour les ambitions climatiques.
Une demande pétrolière qui refuse de fléchir
Selon l’AIE, le monde consomme aujourd’hui environ 100 millions de barils par jour. Ce chiffre pourrait grimper à 113 millions d’ici à 2050 dans le scénario dit “des politiques actuelles” (Current Policies Scenario). Autrement dit, sans mesures plus fortes pour réduire la dépendance au pétrole, la demande continuerait de croître pendant encore un quart de siècle.
Cette trajectoire contraste avec les projections antérieures de l’agence, qui prévoyaient un “pic pétrolier” dès la fin des années 2020. Mais la réalité énergétique est plus têtue : la croissance économique, la démographie et la lenteur de la transition dans les pays émergents maintiennent la pression sur la demande. Les secteurs du transport aérien, de la pétrochimie et de l’industrie lourde restent particulièrement difficiles à décarboner.
Des politiques trop timides face à l’urgence climatique
L’AIE insiste : son scénario ne reflète que les politiques déjà en vigueur. Il ne prend pas en compte les promesses ou les engagements futurs en faveur du climat. Et c’est bien là le problème : entre les ambitions affichées lors des COP et les mesures réellement mises en œuvre, l’écart reste abyssal.
“Si les gouvernements se contentent des politiques actuelles, la demande pétrolière ne connaîtra pas de pic avant 2050”, prévient le rapport. Une affirmation qui sonne comme un avertissement : la planète risque de s’éloigner irrémédiablement de l’objectif de contenir le réchauffement à +1,5 °C.
Dans ce scénario, la consommation énergétique mondiale reste tirée par l’Asie, l’Afrique et le Moyen-Orient, où la croissance démographique et industrielle s’accompagne encore d’une forte dépendance aux carburants fossiles.
Les pays producteurs gardent le sourire
Pour les grandes puissances pétrolières Arabie saoudite, États-Unis, Russie, cette prévision a des allures de bonne nouvelle. Le baril devrait rester sous tension, soutenant des revenus confortables pour les producteurs.
Les marchés pourraient même voir se renforcer la concurrence pour capter la demande, avec à la clé des investissements renouvelés dans l’exploration et le raffinage.
Mais ce soulagement pourrait être de courte durée. L’AIE rappelle que la volatilité accrue du marché pétrolier, la transition technologique et la pression climatique finiront, tôt ou tard, par rebattre les cartes.
Un avenir à double vitesse
Car pendant que la demande pétrolière persiste, les énergies renouvelables progressent rapidement. Le solaire et l’éolien enregistrent une croissance sans précédent et devraient devenir les principales sources d’électricité dans la plupart des régions avant 2040.
Le paradoxe est là : jamais le monde n’a autant investi dans les renouvelables, et pourtant jamais la demande de pétrole n’a semblé aussi tenace. “La transition énergétique avance, mais pas assez vite pour inverser la tendance globale”, résume un analyste cité par S&P Global.
Une transition qui devra changer de rythme
L’AIE conclut son rapport par un message clair : le monde dispose encore de temps pour infléchir la trajectoire, à condition d’intensifier ses politiques de décarbonation, de renforcer l’efficacité énergétique et d’accélérer l’innovation dans les transports et la chimie.
En d’autres termes, la dépendance au pétrole n’est pas une fatalité, mais le résultat de nos choix collectifs. Si rien ne change, l’humanité consommera plus de pétrole en 2050 qu’aujourd’hui ; si les politiques s’alignent sur les promesses climatiques, la demande pourrait commencer à décliner dès les années 2030.
Le pétrole, ce vieil ami encombrant, continue de nourrir la croissance mondiale tout en étouffant la planète. Entre promesses vertes et pompes à essence, l’AIE nous met face à une vérité brutale : la transition énergétique n’est pas une affaire de slogans, mais de courage politique. Et pour l’instant, les moteurs tournent encore à plein régime.
La Rédaction



