
Pays en développement : Un déficit d’investissement réel, mais loin des 5 % du PIB mondial.
Ces derniers jours, une affirmation a circulé : « les pays en développement accusent un déficit d’investissement équivalant à 5 % du PIB mondial chaque année ».
Une statistique choc, mais largement surestimée. Car si le manque d’investissements dans ces économies est bel et bien réel, les données des institutions internationales – Banque mondiale et CNUCED en tête – brossent un tableau plus nuancé.
Des flux d’investissement directs étrangers au plus bas depuis 2005
D’après la Banque mondiale, les flux d’investissements directs étrangers (IDE) vers les économies en développement ont chuté à 435 milliards de dollars en 2023 — leur plus bas niveau depuis près de vingt ans.
Un recul dû à un contexte mondial de plus en plus incertain : tensions géopolitiques, renchérissement du coût du crédit, et ralentissement de la demande mondiale.
En pourcentage, ces IDE représentent environ 2,3 % du PIB total des économies en développement. Très loin, donc, des fameux 5 % du PIB mondial évoqués ici ou là.
Un besoin criant d’investissements, surtout dans les secteurs durables
Le véritable “trou” d’investissement, selon la CNUCED (UNCTAD), concerne surtout les secteurs liés aux Objectifs de Développement Durable (ODD).
Infrastructures, transition énergétique, agriculture, eau et assainissement… autant de domaines essentiels où les pays en développement manquent cruellement de capitaux.
Le manque est chiffré à 2,5 milliards de dollars par an — un montant considérable, mais qui représente environ 2,5 % du PIB mondial, et non 5 %.
Ce chiffre donne la mesure du défi : pour atteindre les ODD, il faudrait quasiment doubler les investissements actuels dans ces secteurs prioritaires.
La confusion vient souvent du contexte
Alors, d’où vient cette surestimation ?
Plusieurs sources indiquent qu’elle découle d’une mauvaise interprétation des rapports d’UNCTAD : le besoin de 2,5 trillions USD/an a parfois été extrapolé sans préciser qu’il s’agissait des secteurs SDG, pas de l’ensemble des investissements mondiaux.
De plus, certains analystes ont rapporté ce montant au PIB des pays en développement plutôt qu’à celui du monde entier, créant une distorsion statistique.
Entre perception et réalité, un enjeu politique
Dans le débat public, les chiffres sont souvent amplifiés pour faire réagir. Mais au-delà du chiffre, le fond du problème reste entier : les pays en développement manquent d’investissements pour financer leur avenir.
La Banque mondiale appelle d’ailleurs à “mobiliser des capitaux privés” pour compléter les financements publics, devenus insuffisants.
Les grands projets d’infrastructures, d’énergie et de numérique exigent des ressources que les budgets nationaux seuls ne peuvent supporter.
Autrement dit, le vrai défi n’est pas d’évaluer le pourcentage manquant, mais de trouver comment combler l’écart.
Une question de confiance et de stabilité
L’Afrique, l’Amérique latine ou encore l’Asie du Sud subissent toutes le même dilemme : attirer les investisseurs nécessite stabilité, transparence et sécurité juridique.
Sans cela, même les fonds internationaux les plus bienveillants hésitent à s’engager.
L’enjeu, pour ces économies, est donc double : rassurer et réformer.
Car le capital fuit l’incertitude, mais il revient vite là où les perspectives s’éclaircissent.
Le vrai déficit, c’est la confiance
Finalement, le déficit d’investissement n’est peut-être pas tant une question de milliards qu’une question de confiance.
C’est elle, plus que les chiffres, qui décide de l’afflux ou de la fuite des capitaux.
Et tant que les économies en développement ne parviendront pas à inspirer cette confiance durable, les trillions promis resteront… dans les rapports.
La Rédaction