Pauvreté : L’Afrique subsaharienne concentre désormais les deux tiers des pauvres du monde.
En dix ans, la région est passée de “terre d’espoir” à “épicentre” de l’extrême pauvreté mondiale. Un glissement silencieux, mais lourd de conséquences économiques et sociales.
D’après les dernières estimations de la Banque mondiale et de Our World in Data, l’Afrique subsaharienne abrite désormais près de 70 % des personnes vivant en extrême pauvreté dans le monde contre environ un tiers en 2013.
Autrement dit, sur dix personnes extrêmement pauvres dans le monde, sept vivent aujourd’hui au sud du Sahara.
Une situation alarmante, alors même que d’autres régions notamment l’Asie de l’Est et l’Amérique latine ont réussi à réduire drastiquement leurs niveaux de pauvreté au cours de la dernière décennie.
Cette évolution reflète moins une explosion de la pauvreté africaine qu’un ralentissement des progrès dans la région, pendant que le reste du monde, lui, avançait à grands pas.
Un continent jeune, mais fragilisé
En 2013, la part de l’Afrique subsaharienne dans la pauvreté mondiale tournait autour de 35 à 40 %, selon les données de la Banque mondiale.
Depuis, la région a connu une croissance démographique soutenue, passant de 930 millions d’habitants à près de 1,2 milliard en 2025, mais une croissance économique insuffisante pour absorber cette explosion de la population active.
Conséquence : le nombre absolu de personnes vivant avec moins de 2,15 USD par jour (seuil international de l’extrême pauvreté) a légèrement augmenté, même si certains pays, comme le Kenya ou le Ghana, ont connu des améliorations notables.
Les conflits persistants, les crises climatiques et la faible industrialisation expliquent en grande partie cette stagnation.
Des progrès masqués par la démographie
Paradoxalement, plusieurs pays africains ont enregistré des avancées réelles en matière d’éducation, de santé et d’accès à l’électricité.
Mais ces progrès sont souvent rattrapés par la croissance démographique : chaque année, environ 30 millions de jeunes rejoignent la population en âge de travailler, alors que les économies locales peinent à créer des emplois formels.
Selon la Banque mondiale, les 10 pays les plus pauvres de la planète se trouvent aujourd’hui tous en Afrique subsaharienne, avec le Nigeria, la République démocratique du Congo, l’Éthiopie et la Tanzanie concentrant près de la moitié des pauvres du continent.
Le Nigeria, à lui seul, représente près de 20 % des pauvres extrêmes du monde.
Une pauvreté multidimensionnelle
Au-delà du revenu, les institutions internationales insistent désormais sur la notion de pauvreté multidimensionnelle qui englobe l’accès à la santé, à l’éducation, à l’eau potable et à l’énergie.
Sous cet angle, plus de 530 millions d’Africains subsahariens seraient privés d’au moins trois besoins essentiels.
Les zones rurales, notamment au Sahel, en Afrique centrale et dans la Corne de l’Afrique, sont les plus touchées.
Les femmes et les enfants représentent plus de 60 % des personnes en situation d’extrême pauvreté, accentuant la fracture sociale.
Un appel à repenser le modèle de développement
Les experts s’accordent sur un point : les politiques actuelles ne suffisent plus.
La lutte contre la pauvreté nécessite désormais une approche structurelle, centrée sur :
- la diversification économique (au-delà de l’agriculture de subsistance) ;
- l’accès à une éducation de qualité, notamment pour les filles ;
- et la création d’emplois décents dans les secteurs émergents comme l’énergie, la tech et l’industrie verte.
Le Fonds monétaire international (FMI) et la Banque africaine de développement (BAD) appellent à un rééquilibrage des financements internationaux en faveur des pays africains, pour éviter une “décennie perdue”.
Le continent des paradoxes
L’Afrique subsaharienne est à la fois le continent le plus jeune du monde et celui où l’avenir semble le plus fragile.
Les chiffres de la pauvreté ne racontent pas seulement une histoire économique : ils dessinent les contours d’un défi générationnel.
Car si rien ne change, ce ne sont pas seulement les 70 % de pauvres du monde qui vivront en Afrique, c’est aussi là que se jouera le destin économique de la planète.
La Rédaction

