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Financement politique au Mali : 24,6 milliards de FCFA de subventions publiques versées aux partis entre 2000 et 2019.

Un chiffre, à lui seul, résume l’ampleur du sujet : 24,6 milliards de francs CFA. C’est le montant total des subventions publiques versées par l’État malien aux partis politiques entre 2000 et 2019, selon un audit rendu public ce 29 décembre par la Section des comptes de la Cour suprême du Mali. Un rapport qui éclaire, pour la première fois avec précision, deux décennies de financement public de la vie politique nationale.


Vingt ans de subventions passées au crible

L’audit couvre une période allant de l’année 2000 à 2019, correspondant à près de vingt ans de soutien financier de l’État aux formations politiques légalement reconnues. Sur cette période, le montant cumulé des subventions s’élève exactement à 24,624 milliards de FCFA, inscrits chaque année dans les lois de finances et destinés à soutenir le fonctionnement des partis politiques.

Ces subventions visaient, en principe, à renforcer le pluralisme politique, favoriser la structuration des partis et soutenir la démocratie. Mais l’audit révèle que la réalité de la gestion et du contrôle de ces fonds a souvent été fragile, incomplète, voire inexistante.


Des partis nombreux, des comptes rarement déposés

L’un des constats les plus marquants du rapport concerne le faible niveau de reddition des comptes. Sur les 295 partis politiques recensés par l’administration malienne durant la période étudiée, seuls 144 partis ont déposé au moins une fois leurs comptes de gestion auprès de la Section des comptes de la Cour suprême.

Autrement dit, plus de la moitié des partis bénéficiaires potentiels n’ont jamais produit de documents comptables conformes, en violation des textes en vigueur. Cette situation rend difficile toute évaluation précise de l’utilisation réelle des fonds publics accordés.


Des montants déclarés supérieurs aux subventions

Autre élément notable : les ressources financières déclarées par les partis ayant déposé des comptes s’élèvent à plus de 42,1 milliards de FCFA, un montant nettement supérieur aux seules subventions publiques versées par l’État.

Ce décalage suggère l’existence d’autres sources de financement, mais aussi des zones d’ombre sur la traçabilité des ressources, l’origine des fonds et leur utilisation effective. L’audit souligne notamment l’absence fréquente de pièces justificatives fiables, ainsi que des incohérences entre les montants perçus et les dépenses déclarées.


Un cadre juridique peu respecté

La Cour suprême relève que le cadre légal encadrant le financement public des partis politiques a été largement ignoré ou appliqué de manière inégale. Parmi les insuffisances relevées figurent :

  • le non-dépôt systématique des comptes de gestion,
  • l’absence de sanctions effectives en cas de manquement,
  • le manque de suivi administratif des subventions versées,
  • et des contrôles a posteriori souvent tardifs ou incomplets.

Ces failles ont contribué à installer une culture de faible transparence financière, dans un domaine pourtant sensible pour la crédibilité de la vie démocratique.


Un audit dans un contexte politique particulier

La publication de cet audit intervient dans un contexte institutionnel profondément transformé, marqué par la réorganisation du paysage politique, la dissolution de plusieurs partis et une volonté affichée des autorités de réformer en profondeur la gouvernance publique.

L’audit, lancé en juin 2025, s’inscrit dans cette dynamique de clarification et d’assainissement, en mettant sur la table des chiffres longtemps dispersés, rarement consolidés et peu accessibles au public.


Vers une réforme du financement politique ?

Au-delà du constat chiffré, la Section des comptes appelle implicitement à une refonte du système de financement public des partis politiques. Cela passerait par :

  • des règles plus strictes de transparence,
  • un contrôle systématique des comptes,
  • et une conditionnalité claire des subventions au respect des obligations légales.

L’objectif affiché est de faire en sorte que l’argent public serve réellement à structurer la vie démocratique, et non à entretenir des pratiques opaques.


En révélant que près de 25 milliards de FCFA d’argent public ont été injectés dans les partis politiques maliens en vingt ans, souvent sans contrôle rigoureux ni reddition de comptes effective, l’audit de la Cour suprême agit comme un révélateur brutal des failles de la gouvernance politique. Plus qu’un simple exercice comptable, il pose une question centrale pour l’avenir : comment reconstruire une vie politique crédible sans transparence financière ? La réponse à cette interrogation pourrait bien façonner le prochain chapitre de la démocratie malienne.

La Rédaction

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