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Emploi mondial : L’OIT change la façon de “compter” le travail.

À l’heure où les économies se transforment à toute vitesse, l’Organisation internationale du Travail (OIT) rebat les cartes. L’institution onusienne a décidé de moderniser la mesure du marché mondial de l’emploi, pour mieux refléter les réalités du XXIᵉ siècle : travail informel, plateformes numériques et activité non rémunérée. Une évolution statistique en apparence technique, mais aux conséquences politiques bien réelles.


Une refonte méthodologique inédite

Pendant des décennies, les indicateurs de l’emploi se limitaient à une vision binaire : avoir ou non un travail rémunéré. Ce cadre, défini au siècle dernier, n’intégrait ni les emplois informels, ni le travail domestique et de soin, ni les nouvelles formes de travail numérique.

En 2024, l’OIT a lancé une réforme statistique mondiale, dans le prolongement de la 19ᵉ Conférence internationale des statisticiens du travail (ICLS). Objectif : élargir la définition de l’emploi et reconnaître des millions d’activités auparavant “invisibles” dans les chiffres officiels.

Cette réforme introduit :

  • Une meilleure prise en compte du travail non rémunéré, notamment celui des femmes dans les foyers ;
  • Une nouvelle classification des formes de travail : emploi salarié, indépendant, informel et de plateforme ;
  • Des indicateurs modernisés pour évaluer la qualité du travail, le sous-emploi et le temps de travail réel.

“Les chiffres du marché de l’emploi doivent refléter la vie réelle des travailleurs”, a résumé un économiste de l’OIT.


Mesurer pour mieux agir

Derrière ces ajustements statistiques, se joue une bataille essentielle : celle de la visibilité. Dans de nombreux pays en développement, jusqu’à 80 % de la population active travaille dans l’informel. Ces millions d’hommes et de femmes, bien qu’actifs, étaient souvent exclus des chiffres officiels du “travail”.

Grâce à cette modernisation, les gouvernements disposeront d’outils plus précis pour calibrer leurs politiques publiques : emploi des jeunes, programmes sociaux, formation, fiscalité. Les institutions internationales, elles, pourront mieux suivre les progrès vers l’Objectif de développement durable n° 8 (travail décent et croissance économique).


Un enjeu majeur pour l’Afrique

Sur le continent africain, cette évolution pourrait transformer la lecture du marché du travail. Les économies de la région reposent encore largement sur le secteur informel, les petits métiers, et l’auto-emploi de survie.

Reconnaître ces réalités dans les statistiques, c’est aussi changer la manière dont les politiques économiques sont pensées :

  • Intégrer le commerce de rue et l’artisanat dans les stratégies d’emploi ;
  • Valoriser le travail des femmes rurales et des jeunes indépendants ;
  • Mieux mesurer l’impact de la digitalisation sur les nouvelles formes d’emploi.

Pour les experts, cette réforme pourrait permettre de “rendre visible l’invisible”, et donc de redonner de la dignité à ceux dont le travail n’était pas compté.


Des chiffres plus justes, un monde du travail plus réel

Moderniser les statistiques, c’est bien plus que changer des définitions. C’est reconnaître que le travail a évolué, que les frontières entre emploi, autonomie et précarité se brouillent, et qu’il faut des indicateurs à la hauteur de cette complexité.

L’OIT entend ainsi bâtir une photographie plus fidèle de l’économie mondiale, où chaque heure de labeur compte qu’elle soit rémunérée, non déclarée ou effectuée derrière un écran.

Parce qu’au fond, ce que l’on ne compte pas, on finit souvent par l’ignorer.

La Rédaction

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