Côte d’Ivoire : La biomasse, pari audacieux pour l’énergie et l’emploi.
La Côte d’Ivoire engage une vaste transition énergétique. Parmi les volets structurants : la mise en place de centrales électriques alimentées par la biomasse : déchets agricoles, résidus de palmiers, coques de cacao, tiges de coton… Autant de ressources jusque-là peu valorisées.
Le gouvernement a ainsi lancé en 2023 la construction de ce qui sera la plus grande centrale biomasse d’Afrique de l’Ouest : un site de 46 MW, implanté à Ayébo (commune d’Aboisso), à environ 100 km d’Abidjan.
Selon le calendrier officiel, la mise en service est attendue pour 2025.
Biomasse + agriculture : un modèle intégré, durable et économique
Ce projet n’est pas qu’une centrale de plus. Il incarne un modèle d’économie circulaire :
- La centrale sera alimentée à 70 % par les déchets de palmiers fournis par 12 000 planteurs villageois, et 30 % par les plantations industrielles d’huile de palme.
- À terme, elle pourra fournir de l’électricité à près de 1,7 million de personnes, une contribution non négligeable à l’électrification nationale.
- Le projet prévoit aussi des retombées économiques locales : emplois directs (durant la construction et l’exploitation), revenus supplémentaires pour les planteurs, valorisation des déchets agricoles, fertilisant à partir des cendres d’incinération, etc.
Ainsi, la biomasse apparaît comme une stratégie qui lie sécurité énergétique, développement rural et durabilité environnementale, un triple objectif stratégique.
Des ambitions au-delà d’Ayébo : multiplier les centrales
Ayébo n’est que le début. D’autres projets sont à l’étude, avec des objectifs plus ambitieux :
- une centrale de 76 MW à base de résidus de cacao, près de Divo (centre-sud du pays), portée par un partenariat entre CFM et SODEN. Cette centrale devrait générer environ 550 GWh/an et éviter chaque année quelque 300 000 tonnes de CO₂.
- des études pour des centrales tirant profit de déchets d’autres cultures : coton, cacao, hévéa, etc.
Selon les estimations du gouvernement et des acteurs du secteur, le potentiel électrique total mobilisable via la biomasse pourrait atteindre plusieurs centaines de mégawatts, voire au-delà du gigawatt si les projets aboutissent.
Vers un mix énergétique plus vert et une réduction des émissions
La mise en service de la centrale d’Ayébo s’inscrit dans les ambitions de la Côte d’Ivoire de porter à 42 % (voire 45 %) la part des énergies renouvelables d’ici 2030.
Ce virage énergétique est aussi un pas vers la réduction des émissions de gaz à effet de serre, à travers la valorisation des déchets agricoles plutôt que leur combustion à ciel ouvert ou leur délaissement.
Pour un pays en pleine croissance démographique et économique, la biomasse représente l’un des leviers les plus concrets pour satisfaire la demande croissante en électricité — sans dépendre exclusivement des énergies fossiles ou hydrauliques, souvent soumises à aléas.
Un défi de taille : logistique, production agricole et gouvernance
Mais transformer la promesse en réalité ne va pas sans défis :
- Collecter, transporter et valoriser des résidus agricoles dispersés (palmier, cacao, coton…) exige une logistique bien pensée et des chaînes d’approvisionnement fiables. Le succès du projet repose sur la mobilisation de milliers de petits planteurs.
- Il faudra garantir une durabilité de la ressource : éviter la surexploitation, assurer un approvisionnement stable et régulier, et coordonner agriculture et énergie.
- La gouvernance du secteur contrats, transparence, prix de rachat de l’électricité, suivi environnemental sera déterminante pour que le modèle profite réellement aux populations rurales et à l’État.
À défaut, le risque existe de voir le projet rester un simple symbole d’intention, sans impact réel sur l’accès à l’électricité et le développement rural.
Une fenêtre d’espoir — à condition de tenir le pari
La Côte d’Ivoire n’ignore pas les obstacles. Mais en misant sur la biomasse, elle choisit une voie ambitieuse, concrète et adaptée à son profil agricole.
Si les projets aboutissent Ayébo d’abord, puis Divo, Boundiali, Gagnoa, etc. Le pays pourrait non seulement améliorer l’accès à l’électricité, mais aussi créer des emplois ruraux, valoriser ses déchets agricoles, réduire les émissions de CO₂, et consolider un mix énergétique plus résilient.
Dans un contexte mondial où la transition énergétique devient impérative, la biomasse ivoirienne pourrait bien devenir un modèle pour l’Afrique de l’Ouest. Mais le pari ne tient pas qu’à la technologie ou aux engagements : il repose sur la capacité à traduire les ambitions en réalité, à organiser la filière, à associer les communautés et à garantir la durée.
L’histoire de l’énergie en Côte d’Ivoire est en train de changer, pour peu que la biomasse ne reste pas un rêve sur le papier, mais devienne une lumière pour des millions de foyers.
La Rédaction



