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Cacao : Les prix retombent à un plus bas de 21 mois grâce au rebond ivoirien.

Après la folie, l’atterrissage

Le cacao redescend sur terre.
Après avoir affolé les compteurs en 2024, avec des prix perchés au-dessus de 12 000 dollars la tonne, les cours ont décroché en novembre 2025 pour tomber à leur plus bas niveau en 21 mois. Selon les données de marché compilées par plusieurs plateformes, les contrats de référence ont touché des niveaux autour de 5 000–5 700 dollars la tonne, effaçant une bonne partie de la flambée précédente.

Une dépêche de Sikafinance, publiée le 24 novembre 2025, résume le tournant :
« Cacao : les cours au plus bas sur 21 mois grâce au rebond des approvisionnements ivoiriens ».
En clair, le marché mondial commence à respirer à nouveau… et c’est la Côte d’Ivoire, premier producteur mondial, qui tient la bonbonne d’oxygène.


Comment on est passé de la pénurie à l’accalmie

Pour comprendre ce qui se joue, il faut revenir sur la séquence.

En 2023-2024, la filière cacao a été frappée par un cocktail explosif :

  • mauvaises conditions climatiques en Afrique de l’Ouest,
  • maladies des vergers,
  • sous-investissement chronique dans les plantations,
  • et un marché financier chauffé à blanc par les spéculateurs.

Résultat : les volumes en provenance de Côte d’Ivoire et du Ghana s’effondrent, les stocks fondent, et les prix s’envolent à des niveaux jamais vus. Les transformateurs tirent la langue, les chocolatiers augmentent leurs prix, et le cacao devient le symbole d’un monde où la moindre tension climatique se traduit par un choc sur les marchés.

Puis, courant 2025, le décor commence à changer.


Le rebond des approvisionnements ivoiriens : le facteur déclencheur

Au cœur de la correction actuelle, on trouve un élément clé : le rebond des approvisionnements ivoiriens.

Des arrivages qui rassurent les marchés

Les premières données de la campagne 2025/26 montrent des arrivages au port en Côte d’Ivoire plus soutenus qu’attendu. Les fèves arrivent en plus grande quantité et plus régulièrement, ce qui envoie un message simple aux traders :

La catastrophe permanente annoncée n’est plus le scénario central.

Les conditions météo se sont partiellement normalisées : les pluies, mieux réparties, permettent d’améliorer la qualité du séchage et la disponibilité des fèves. Ce n’est pas un retour au “monde d’avant”, mais c’est suffisant pour calmer la panique.

Quand la première économie mondiale du cacao tousse… ou respire

Dans un marché où la Côte d’Ivoire pèse près de 40 % de la production mondiale, la moindre variation d’offre se traduit immédiatement dans les prix :

  • en 2024, la chute des récoltes ivoiriennes avait servi d’allume-feu à la flambée des cours ;
  • en 2025, le rebond relatif des flux ivoiriens devient le principal argument des vendeurs sur les marchés à terme.

C’est ce mouvement qu’isole Sikafinance dans son angle : la détente des prix s’explique en grande partie par le signal envoyé depuis Abidjan et les ports ivoiriens.


Un marché qui se “dégonfle” après un rallye historique

Le rebond des approvisionnements ne raconte cependant qu’une partie de l’histoire. L’autre, c’est le comportement des marchés financiers eux-mêmes.

Les spéculateurs plient bagage

Le cacao sort d’un rallye spéculatif historique.
Au plus fort de la crise, les hedge funds et traders avaient massivement parié sur la poursuite de la hausse, dans un marché déjà très tendu. Quand les premiers signaux d’amélioration de l’offre ivoirienne apparaissent, le mécanisme s’inverse :

  • prises de bénéfices massives,
  • débouclage de positions longues,
  • afflux d’ordres de vente.

Dans ce genre de configuration, les prix ne redescendent pas doucement : ils dégoulinent. Les niveaux évoqués en novembre 2025 – autour de 5 000 à 5 700 dollars la tonne sur certains contrats – marquent ainsi un minimum de 21 mois, tout en restant historiquement élevés.

Un “plus bas de 21 mois”… mais des prix encore très hauts

C’est l’ironie de la séquence :

  • oui, les cours sont au plus bas depuis près de deux ans,
  • mais ils restent environ deux fois supérieurs à leur moyenne de long terme.

En d’autres termes, on est passé de la folie à la tension “simple”, pas au cacao bon marché.


Le rôle des autres producteurs : l’Équateur s’invite dans la danse

La Côte d’Ivoire n’est plus seule dans l’histoire.

En parallèle du rebond ivoirien, le marché intègre aussi :

  • une montée en puissance de l’Équateur, devenu un acteur de plus en plus important,
  • une offre un peu plus fournie dans certains pays d’Amérique latine,
  • des perspectives d’investissement pour reconstituer et moderniser les vergers.

Même si l’Afrique de l’Ouest reste le centre de gravité, l’arrivée de nouveaux gros joueurs contribue à la perception d’un marché un peu moins indépendant qu’avant. Cela ajoute une couche de confort aux baissiers.


Côte d’Ivoire : entre respiration et inquiétudes

Pour la Côte d’Ivoire, ce retournement de marché est à double tranchant.

Des prix moins délirants, mais encore élevés

À l’échelle du pays, la chute des cours mondiaux :

  • réduit la pression sur les transformateurs et les acheteurs internationaux ;
  • mais limite aussi la capacité à transformer la flambée passée en gain durable pour les producteurs.

Le discours officiel pourra dire : “les prix restent bons”. Mais entre le coût de la vie, l’augmentation des intrants et l’instabilité des saisons, le paysan, lui, voit surtout une réalité : quand les prix montent, les bénéfices nets ne suivent pas toujours ; quand les prix baissent, ce sont ses marges qui se compressent.

Les vieux démons structurels toujours là

Le rebond des arrivages ne gomme pas les fragilités :

  • vergers vieillissants, souvent peu productifs,
  • maladies (swollen shoot, etc.) mal maîtrisées,
  • faible renouvellement des plantations,
  • dépendance massive à une monoculture exportée brute.

Autrement dit : les quelques bonnes nouvelles de la campagne 2025/26 ne changent pas encore le modèle, elles le prolongent.


La sous-région face à la nouvelle donne cacao

La baisse des cours, même partielle, a des implications plus larges pour l’espace ouest-africain.

Balances extérieures : moins de recettes, moins de choc

Pour les pays exportateurs (Côte d’Ivoire en tête, mais aussi le Ghana, le Nigeria et, dans une moindre mesure, le Togo), des prix plus bas signifient :

  • moins de recettes en devises qu’au pic de la crise,
  • une réduction des surplus budgétaires potentiels liés à la taxation de la filière.

Mais pour les pays importateurs de produits transformés, et pour certains industriels locaux, cette détente des prix offre un peu d’oxygène après une période où le cacao devenait presque un luxe.

Inflation et chocolat : le consommateur respire… un peu

Pour le consommateur final – en Europe, en Amérique du Nord ou dans les grandes villes africaines – la baisse des prix du cacao pourrait, à terme, freiner la hausse du prix du chocolat.
Mais la chaîne est longue : entre la fève et la tablette, il y a l’énergie, le sucre, le packaging, le transport, les marges de la distribution… Autant d’éléments qui font que la détente du cacao ne se traduira pas immédiatement par une détente sur les rayons.


Et maintenant ? Un marché encore sous tension structurelle

La question qui se pose désormais est simple : sommes-nous revenus à la normale, ou juste redescendus d’un nuage ?

Les signaux actuels plaident pour un scénario intermédiaire :

  • le rebond des approvisionnements ivoiriens a brisé la spirale panique,
  • la spéculation se déleste,
  • l’entrée de nouveaux producteurs offre un peu plus de profondeur au marché.

Mais les forces de fond – climat instable, vergers vieillissants, pression réglementaire, demande mondiale solide – laissent penser que le cacao restera une matière première volatile et structurellement chère.

Autrement dit : les prix sont au plus bas sur 21 mois… mais le temps du cacao “bon marché” est probablement derrière nous.

Dans cette nouvelle réalité, la Côte d’Ivoire et ses voisins auront une équation à résoudre :
Comment profiter de prix encore élevés pour investir dans la modernisation de la filière, plutôt que de subir, cycliquement, les mêmes chocs météo, marchés, spéculation qui, eux, ne semblent pas prêts de disparaître.

La Rédaction

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