Banques maliennes face aux nouvelles normes de la BCEAO : Entre recapitalisation, restructuration et concentration.

Depuis fin 2023, la BCEAO a décidé de renforcer le cadre prudentiel du secteur bancaire dans l’UEMOA. Les banques commerciales doivent désormais disposer d’un capital minimum de 20 milliards FCFA, contre 10 milliards auparavant. Cette mesure vise à consolider la stabilité du système bancaire face aux chocs économiques. Si elle est saluée sur le plan régional, elle met cependant à rude épreuve plusieurs établissements bancaires maliens, notamment ceux à capitaux publics ou de petite taille.
BDM‑SA : solide mais sous vigilance
La Banque de Développement du Mali (BDM‑SA), première institution bancaire du pays avec un total bilan estimé à 1 000 milliards FCFA, a anticipé cette réforme. Son capital social, déjà porté à 50 milliards FCFA, dépasse le nouveau seuil réglementaire. En juin 2025, elle a procédé à une émission obligataire de 40 milliards FCFA, cotée à la BRVM, pour consolider ses fonds propres et renforcer ses capacités de financement, notamment envers les PME.
“La BDM‑SA est un acteur structurant du crédit aux entreprises et à l’agriculture. Mais dans un environnement de taux élevés et de resserrement monétaire, elle doit aussi garantir une gestion rigoureuse de sa liquidité.”
— Dr. Souleymane Konaré, économiste bancaire, ancien cadre de la BCEAO
Des banques fragiles menacées
Selon les données croisées de la BCEAO et de plusieurs analystes du secteur, trois banques maliennes seraient en dessous du seuil réglementaire à fin mars 2025. Face à cette situation, plusieurs options sont envisagées :
- Une fusion entre établissements en difficulté,
- Une cession d’actifs ou un rachat par des groupes panafricains comme Ecobank, Coris Bank ou NSIA,
- Ou encore un retrait pur et simple du marché bancaire malien.
Risques pour le financement des PME
Ce contexte pourrait avoir des conséquences directes sur l’économie réelle. En particulier, les PME, déjà confrontées à des difficultés d’accès au crédit, pourraient voir leur situation empirer. En 2024, seulement 12 % d’entre elles déclaraient avoir un accès régulier à un financement bancaire, selon une enquête de la CCI-Mali. La disparition de certaines banques ou leur absorption pourrait donc réduire l’offre de crédit dans les régions les moins desservies.
L’État malien face à ses responsabilités
- Les établissements les plus exposés sont :
- BCI-Mali, avant son renforcement capital,
- Deux petites banques régionales, contraintes à fusionner,
- Et un ensemble de petites banques locales en sous-capitalisation.
Ces banques sont aujourd’hui en phase de consolidation ou d’absorption, dans le cadre d’une réforme du paysage bancaire ouest-africain accélérée par la mise en place de normes prudentielles plus strictes.
Cette position l’oblige à faire des choix : recapitaliser les banques en difficulté ou céder intelligemment ses participations.
“Si l’État veut éviter des pertes d’emplois ou une réduction de l’offre bancaire, il devra recapitaliser ou céder intelligemment ses parts. C’est un arbitrage budgétaire et stratégique.”
— Fatoumata Diarra, consultante en finances publiques
Une transition stratégique à gérer
Le secteur bancaire malien est à un moment charnière. Il doit concilier plusieurs enjeux :
- Se conformer aux exigences de la BCEAO sans provoquer de crise bancaire,
- Maintenir un accès au crédit pour les entreprises, en particulier les PME,
- Repenser le rôle de l’État actionnaire, en évitant la politisation des décisions de gestion,
- Attirer de nouveaux investisseurs privés, locaux ou régionaux, pour renforcer les fonds propres.
Entre recapitalisation, restructuration et retrait de certains acteurs, le paysage bancaire malien est en recomposition. Les grandes banques comme BDM‑SA semblent armées pour franchir ce cap, mais d’autres établissements devront fusionner, céder leurs parts ou sortir du marché. L’avenir du secteur dépendra de la manière dont l’État et la BCEAO accompagneront cette transition. Il en va de la stabilité du système financier malien et de sa capacité à soutenir durablement l’économie nationale dans les dix prochaines années.
La Rédaction