Bamako : Les secrétaires d’Afrique face au défi des réseaux sociaux et de l’intelligence artificielle.
Depuis le lundi 24 novembre 2025, Bamako accueille le Forum international des secrétaires, assistants et attachés de direction d’Afrique (FISA 2025) pour cinq jours d’échanges consacrés aux mutations profondes du métier.
Organisé sous l’égide de la Fédération africaine des professionnels en secrétariat et assistanat de direction (FAProSAD) et de l’Association des secrétaires, assistants et attachés de direction du Mali (ASAAD-Mali), le forum réunit à Bamako des délégations venues de quinze pays africains.
Pendant cinq jours, la capitale malienne devient le point de rencontre d’un réseau continental de professionnels souvent discrets, mais indispensables au quotidien des administrations et des entreprises.
Un thème au cœur des mutations : réseaux sociaux et intelligence artificielle
Le fil conducteur de cette édition est explicite :
« L’impact des réseaux sociaux et de l’intelligence artificielle sur les activités du secrétariat ».
Derrière ce thème, une question centrale : que devient le secrétariat à l’ère du numérique et des algorithmes ?
Les participants se penchent notamment sur :
- l’intégration des réseaux sociaux dans la communication interne et externe des organisations ;
- l’irruption de l’intelligence artificielle dans les tâches quotidiennes :
- rédaction et correction de documents,
- gestion d’agendas,
- traitement de courriels,
- traduction et synthèse automatique,
- organisation de réunions et d’événements ;
- les risques perçus :
- crainte de voir certains postes disparaître,
- risque de déqualification pour ceux qui ne se forment pas,
- vulnérabilité accrue face aux cyberattaques et à la désinformation ;
- mais aussi les opportunités :
- gain de temps sur les tâches répétitives,
- montée en compétences,
- repositionnement du secrétaire ou de l’assistant comme acteur stratégique du pilotage de l’information.
Le message porté par plusieurs intervenants est clair : l’IA n’est pas seulement une menace, elle peut devenir un levier d’élévation du métier, à condition que les professionnels soient formés et accompagnés.
Quinze pays réunis : un regard croisé sur une transition numérique inégale
Le forum de Bamako ne se contente pas d’aligner des panels théoriques. Il met face à face des réalités très différentes d’un pays à l’autre.
Les délégations venues de quinze pays africains illustrent une situation contrastée :
- certains États ont déjà engagé une digitalisation avancée de leurs services,
- d’autres restent freinés par :
- la faiblesse des infrastructures numériques,
- le coût de la connexion,
- un accès inégal à la formation.
Dans plusieurs interventions, il est rappelé que la transition numérique du secrétariat africain ne peut pas être un simple copier-coller de modèles venus d’ailleurs. Elle doit tenir compte :
- des réalités locales des administrations,
- du niveau d’équipement des entreprises,
- du degré de maîtrise des outils numériques par les personnels.
Le forum sert ainsi de plateforme de partage de bonnes pratiques : expériences de digitalisation réussies, formation continue, outils adaptés aux budgets africains, sécurisation des données, etc.
Une ouverture officielle sous le signe de la reconnaissance du métier
L’ouverture du forum a été présidée par le ministre malien du Travail, de la Fonction publique et du Dialogue social, Dr Fassoun Coulibaly, représentant le Premier ministre général Abdoulaye Maïga.
Dans son allocution, le ministre a :
- souligné le rôle central des secrétaires, assistants et attachés de direction dans le fonctionnement de l’administration et des entreprises ;
- regretté que ces métiers soient encore trop souvent sous-valorisés, alors qu’ils sont au cœur de la circulation de l’information, de l’organisation des réunions, du suivi des dossiers et de la coordination des équipes ;
- rappelé l’engagement du Mali à améliorer la reconnaissance et la formation de ces professionnels, en phase avec la transition numérique en cours.
Au-delà du protocole, l’accueil du forum à Bamako est aussi un signal politique : malgré un contexte régional complexe, le Mali entend se présenter comme un pays capable d’abriter des rencontres internationales et de contribuer aux débats sur l’avenir du travail en Afrique.
Vers un nouveau profil de secrétaire : plus numérique, plus stratégique
Les travaux du forum convergent vers une idée : le profil traditionnel du secrétaire – centré sur la dactylographie, la prise de notes et la gestion physique des dossiers – est en train de devenir obsolète.
Les participants insistent sur la nécessité de :
- maîtriser les outils numériques : suites bureautiques, plateformes collaboratives, outils de visio, gestion électronique des documents ;
- comprendre et utiliser les réseaux sociaux dans un cadre professionnel (communication corporate, gestion d’image, veille, relation avec les usagers ou clients) ;
- se familiariser avec les outils d’intelligence artificielle : assistants virtuels, systèmes de traduction, générateurs de textes, logiciels de planification ;
- renforcer les compétences transversales : gestion de projet, communication, confidentialité, éthique digitale.
L’objectif n’est pas de remplacer les secrétaires par des machines, mais de faire en sorte que les secrétaires pilotent les outils, au lieu de les subir.
Des recommandations attendues pour les États et les employeurs
Au terme des cinq jours, le forum doit déboucher sur une série de recommandations adressées :
- aux États africains, afin :
- d’intégrer davantage les métiers du secrétariat dans les politiques publiques de formation professionnelle ;
- de soutenir l’accès aux outils numériques dans les administrations ;
- de reconnaître la place stratégique du secrétariat dans la modernisation de la fonction publique ;
- aux employeurs publics et privés, pour :
- adapter les descriptions de poste et les grilles de compétences aux réalités numériques,
- investir dans la formation continue,
- impliquer les secrétaires et assistants dans les projets de digitalisation.
Pour les organisations professionnelles comme la FAProSAD et ASAAD-Mali, ce type de forum est également l’occasion de renforcer les réseaux panafricains et de donner du poids à leurs plaidoyers.
Une fonction longtemps discrète, désormais en première ligne
Pendant longtemps, les secrétaires, assistants et attachés de direction ont été perçus comme de simples exécutants, cantonnés à des tâches administratives répétitives.
Avec la transformation numérique et l’essor de l’intelligence artificielle, cette vision est en train de voler en éclats.
Le forum de Bamako en est la démonstration :
- plus la circulation de l’information s’accélère,
- plus les organisations sont noyées sous les e-mails, les réunions, les messages instantanés et les contenus en ligne,
- plus le rôle de celles et ceux qui organisent, filtrent, hiérarchisent et sécurisent l’information devient crucial.
En donnant la parole à ces professionnels et en les mettant au centre du débat sur l’IA et les réseaux sociaux, Bamako envoie un signal : la transition numérique africaine ne se fera pas sans le secrétariat.
Reste maintenant à transformer les discours en programmes de formation, en équipements, en reconnaissance statutaire. Car si l’IA promet d’automatiser une partie des tâches, elle ne remplacera pas la capacité de jugement, de discrétion et de coordination qui fait le cœur du métier de secrétaire.
Et c’est peut-être là la vraie mutation : passer de “secrétaire de bureau” à “gardien(ne) de l’information” au sein de l’organisation.
La Rédaction



