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Après les bourses, la BAD s’associe aux institutions de financement du développement pour mobiliser l’épargne africaine.

Après avoir réuni les bourses africaines pour repenser le rôle des marchés de capitaux, le Groupe de la Banque africaine de développement (BAD) ouvre un nouveau front : celui des institutions de financement du développement. À Abidjan, la Banque enchaîne les réunions de haut niveau pour bâtir une nouvelle architecture financière africaine, capable de mobiliser davantage l’épargne du continent au service de son développement, dans un contexte de raréfaction des capitaux extérieurs.


De l’architecture actuelle à la “nouvelle finance africaine”

Selon les informations publiées par la BAD, une première rencontre s’est tenue cette semaine au siège de l’institution à Abidjan avec les responsables des bourses africaines. L’objectif : les rallier autour d’une vision commune qui fait des marchés de capitaux un levier central du financement de long terme des économies africaines, et non plus un simple compartiment marginal.

D’après la Banque, cette réunion inaugurale visait à “réinventer l’avenir financier de l’Afrique” en clarifiant le rôle des bourses dans la mobilisation de l’épargne, la profondeur des marchés et la création d’outils adaptés au capital patient dont le continent a besoin.

Dans la foulée, la BAD a annoncé la tenue d’une seconde séquence de travail avec les institutions africaines de financement du développement. Selon une dépêche relayée par l’Agence ivoirienne de presse, il s’agit de la poursuite d’une série de réunions entamées à partir du 18 novembre 2025 à Abidjan avec les principaux acteurs boursiers, puis prolongées avec les banques et institutions de développement du continent. L’objectif est de poser les bases d’une coordination plus structurée entre marchés boursiers, banques de développement régionales, fonds de pension, assureurs et investisseurs institutionnels.


Un déficit de financement colossal et une épargne mal orientée

D’après les estimations régulièrement mises en avant par la BAD et d’autres institutions internationales, les besoins annuels de financement de l’Afrique pour ses infrastructures, sa transition énergétique et ses objectifs de développement se chiffrent à plusieurs centaines de milliards de dollars.

Lors de différents forums financiers continentaux, il a été rappelé que le continent épargne déjà plus de 500 milliards de dollars par an, mais qu’une part très limitée de cette épargne est réinvestie localement dans des actifs productifs. Une ancienne analyse citée par la BAD souligne que moins de 10 % de cette épargne est réellement canalisée vers des investissements de long terme en Afrique, le reste étant placé à l’étranger ou dans des actifs peu transformateurs.

Pour la BAD, ce paradoxe est désormais intenable : l’Afrique dispose de ressources, mais ses mécanismes de transformation de cette épargne en investissement restent insuffisants, fragmentés ou trop dépendants de l’aide publique au développement et des financements concessionnels.


Après les bourses, les institutions de financement du développement sont au centre du jeu

Selon la communication de la BAD, cette deuxième phase de réunions rassemble les institutions africaines de financement du développement, au sens large : banques de développement régionales et nationales, fonds de développement, institutions de garantie et de cofinancement. L’idée est de bâtir un “front commun” entre ces acteurs et les bourses africaines pour :

  • mieux coordonner les instruments financiers (obligations, fonds d’investissement, garanties, produits de dette hybride) ;
  • renforcer les mécanismes de partage des risques afin d’attirer davantage de capitaux privés ;
  • concevoir des véhicules capables de mobiliser l’épargne institutionnelle (fonds de pension, assurances, caisses de dépôt) à grande échelle.

Un article spécialisé sur la finance africaine indique que ces rencontres s’inscrivent dans un mouvement plus large de réflexion sur une “nouvelle architecture financière africaine”, pilotée par la BAD, où les institutions de financement du développement ne seraient plus seulement de simples bailleurs, mais des orchestrateurs de flux de capitaux, capables de connecter l’épargne domestique, les marchés de capitaux et les besoins des États et des entreprises.


Vers une plateforme de coordination et de mobilisation de capitaux

D’après une récente note de la BAD sur la question, l’institution travaille à la mise en place d’une plateforme de coordination financière destinée à combler le déficit de financement du continent. Cette plateforme a vocation à :

  • rapprocher les régulateurs, les bourses, les intermédiaires financiers et les institutions de développement ;
  • harmoniser les approches en matière de mobilisation de l’épargne domestique et de structuration des produits financiers ;
  • Soutenir le développement d’outils de dépiquage susceptibles d’attirer les investisseurs institutionnels africains et internationaux.

Selon des médias économiques qui ont relayé ces travaux, la BAD veut s’assurer que les marchés africains puissent offrir des produits liquides, diversifiés et de long terme : obligations vertes, social bonds, sustainability-linked bonds, fonds d’infrastructure, fonds de capital-investissement ou de dette privée.

L’idée est de passer d’une logique où chaque institution agit de son côté à une approche systémique, où les banques de développement, les bourses, les fonds de pension et les gestionnaires d’actifs africains travaillent sur un agenda commun : faire de l’épargne africaine un instrument de souveraineté et non un flux qui fuit massivement vers d’autres continents.


Les bourses africaines en première ligne pour capter l’épargne

Lors de la première séquence avec les bourses, la BAD a rappelé le rôle central des marchés de capitaux dans cette stratégie. Selon les communiqués de la Banque, les bourses africaines sont appelées à :

  • élargir leur base d’émetteurs, en facilitant l’accès des PME et des entreprises de taille intermédiaire ;
  • accélérer le développement de nouveaux produits (fonds indiciels, ETF, obligations thématiques, véhicules de titrisation) ;
  • renforcer les mécanismes d’intégration régionale entre marchés, pour augmenter la liquidité et la profondeur de la cote ;
  • moderniser encore leur infrastructure technologique et améliorer la protection des investisseurs.

Des responsables de bourses, notamment de la BRVM et d’autres places du continent, ont souligné que les marchés africains souffrent d’un déficit d’investisseurs institutionnels locaux, en particulier de fonds de pension activement investis en actions et obligations d’entreprises. La question n’est donc pas seulement de créer des produits, mais de libérer les flux en révisant les cadres prudentiels et les politiques d’investissement.


Institutions de financement du développement : du bailleur au catalyseur

Pour les institutions de financement du développement, la BAD met clairement la barre plus haut. D’après ses responsables, la nouvelle donne consiste à :

  • utiliser les bilans des banques de développement comme effet de levier, en attirant de nouveaux cofinanceurs privés ;
  • développer des mécanismes de cofinancement systématique avec les marchés de capitaux (émissions obligataires co-garanties, fonds de fonds, véhicules structurés) ;
  • soutenir la création de plateformes régionales de financement pour les infrastructures, les PME, le climat ou la transition énergétique.

Une note récente sur la souveraineté financière africaine rappelle que la chute des financements extérieurs, le durcissement des conditions sur les marchés internationaux et la crise de la dette ne laissent plus beaucoup d’options : soit le continent parvient à mobiliser massivement son épargne interne, soit il restera pris dans un cycle de sous-investissement chronique.


La souveraineté financière comme fil directeur

Au-delà des aspects techniques, le discours de la BAD s’inscrit dans une ligne de plus en plus assumée : celle de la souveraineté financière africaine.

Plusieurs prises de parole récentes, lors de sommets comme l’Africa Financial Industry Summit, ont mis en avant un constat partagé : l’Afrique épargne beaucoup, mais investit peu chez elle. Pour la BAD, les nouveaux dispositifs en préparation – coopération renforcée avec les bourses, mobilisation des institutions de financement du développement, plateforme de coordination – doivent aboutir à un système où :

  • l’épargne africaine est collectée, structurée et recyclée sur le continent ;
  • les marchés de capitaux jouent un rôle plus important dans le financement de long terme ;
  • les banques de développement deviennent de véritables architectes d’une nouvelle finance africaine.

En réunissant d’abord les bourses africaines, puis les institutions de financement du développement, la BAD pose les pièces d’un même puzzle : celui d’une finance africaine moins dépendante des chocs extérieurs et mieux articulée autour de l’épargne domestique. Reste maintenant à transformer ces grandes déclarations et ces réunions de haut niveau en réformes concrètes, en produits financiers accessibles et en flux de capitaux tangibles vers les États, les entreprises et les projets qui façonnent l’avenir du continent.

La Rédaction

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