Skip links

Afrique : La BAD s’attaque à la racine du mal, mieux gérer la dette publique pour libérer la croissance.

La question de la dette publique n’est plus un simple dossier comptable en Afrique, c’est désormais une question de souveraineté. Avec un endettement continental estimé à plus de 1 300 milliards de dollars, la Banque africaine de développement (BAD) a décidé de s’attaquer au problème autrement : non pas en prêtant plus, mais en apprenant aux États à mieux gérer leurs dettes.

« L’Afrique ne doit pas être un continent de débiteurs, mais un continent de bâtisseurs », a résumé le président de la BAD, Akinwumi Adesina, dans un discours prononcé à Nairobi en août dernier. Le ton est donné : la gouvernance de la dette publique devient un pilier central des politiques de développement du continent.


Former pour mieux maîtriser

C’est dans ce contexte que la BAD a lancé un programme inédit visant 22 États africains dits “en transition” des pays fragiles, souvent confrontés à des déficits budgétaires chroniques, à une faible transparence et à des coûts d’emprunt exorbitants.

Objectif : renforcer leurs capacités à planifier, négocier et gérer l’endettement public de manière stratégique. En clair, remplacer la logique d’urgence par une logique d’intelligence financière.

Concrètement, le programme soutient la création ou la modernisation d’unités de gestion de la dette dans les ministères des Finances, la mise en place de systèmes de suivi informatisés, et la formation d’équipes capables d’anticiper les risques liés aux taux d’intérêt ou aux fluctuations monétaires.


Transparence, efficacité et souveraineté financière

Au-delà des outils techniques, la BAD plaide pour un véritable changement de culture. Le manque de transparence dans la gestion des emprunts, la dépendance aux eurobonds à taux élevés et la faiblesse des marchés domestiques de la dette ont longtemps constitué les maillons faibles des économies africaines.

Selon un rapport de la BAD publié en juillet 2025, une meilleure gouvernance de la dette passe par trois leviers :

  • La transparence : publication régulière et exhaustive des données d’endettement ;
  • Le renforcement institutionnel : mise en place d’organes de contrôle parlementaire et d’audits externes ;
  • Le développement de marchés locaux de dette : pour réduire la dépendance aux bailleurs étrangers et financer les États depuis l’intérieur du continent.

Ces réformes, combinées, doivent permettre à l’Afrique de retrouver des marges budgétaires tout en améliorant la confiance des investisseurs.


Un tournant silencieux mais décisif

Pour la BAD, la dette publique n’est pas un mal en soi : c’est un outil, à condition d’être manié avec prudence et intelligence. Un pays endetté pour construire ses infrastructures, renforcer son éducation ou diversifier son économie investit dans son avenir. Mais un pays qui emprunte pour survivre court à la faillite.

Cette distinction est au cœur de la stratégie de la BAD. L’enjeu n’est donc pas seulement économique, mais politique : il s’agit de redonner à chaque État africain le pouvoir de décider de ses priorités de développement sans dépendre aveuglément des marchés financiers internationaux.


La pente reste raide

Les défis, eux, restent considérables. Beaucoup d’États africains affichent encore un ratio dette/PIB supérieur à 70 %. Certains, comme la Zambie ou le Ghana, ont déjà connu des défauts de paiement récents. Et la flambée des taux d’intérêt mondiaux ne laisse guère de répit aux budgets nationaux.

Cependant, la dynamique est lancée : le continent ne veut plus subir sa dette, il veut la gouverner. Et si la BAD parvient à transformer ces formations et réformes en résultats concrets, l’Afrique pourrait bien, pour la première fois depuis longtemps, avoir la main sur son propre destin financier.


Il fut un temps où les États africains empruntaient sans compter, puis négociaient sans comprendre. Aujourd’hui, ils apprennent à compter pour mieux décider. Si la dette est un piège, la BAD veut en faire un outil de libération. Et dans cette bataille pour la maîtrise des chiffres, c’est peut-être la souveraineté économique du continent qui se joue.

La Rédaction

Accueil
Recherche
Top
Découvrir
Drag