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AES : Quand les États reprennent la main sur leurs richesses stratégiques.

Au cœur du Sahel, trois pays — Mali, Burkina Faso et Niger — ont amorcé un virage économique majeur : le retour de l’État dans la gestion des secteurs stratégiques. Sous l’impulsion de l’Alliance des États du Sahel (AES), ces gouvernements entendent reprendre le contrôle d’actifs clés dans les mines, l’énergie et les télécommunications. Ce mouvement, qui rompt avec trois décennies de libéralisation, s’inscrit dans une logique de souveraineté économique face à des contextes sécuritaires et financiers inédits.


Mali : un retour marqué de l’État dans les mines et les entreprises publiques

Le Mali est le pays de l’AES où le retour de l’État a été le plus visible ces dernières années.

  • Octobre 2024 : l’État nationalise la mine d’or de Yatela, longtemps exploitée par des compagnies étrangères.
  • Décembre 2024 : la mine de Morila est reprise pour un franc symbolique, marquant un tournant dans la stratégie aurifère du pays.
  • Dans les années 2000 déjà, le gouvernement avait partiellement repris le contrôle de Malitel (télécoms) et renforcé sa position dans EDM‑SA (énergie).

Ce choix traduit une volonté claire : maîtriser la chaîne de valeur des ressources naturelles pour que leurs revenus bénéficient directement à l’économie nationale. Cette politique intervient alors que l’or représente près de 80 % des exportations maliennes et environ 10 % du PIB.


Burkina Faso : des renégociations pour sécuriser les revenus nationaux

Au Burkina Faso, la démarche est plus progressive, mais tout aussi stratégique.

  • Les autorités burkinabè privilégient la renégociation des contrats miniers et énergétiques plutôt que des nationalisations brusques.
  • Des discussions sont en cours pour accroître la part de l’État dans certaines exploitations d’or et projets d’énergie solaire.
  • L’objectif est double : assurer des recettes fiscales durables et réduire la dépendance à des groupes étrangers pour des secteurs vitaux.

Dans un contexte sécuritaire tendu, cette stratégie vise à stabiliser les finances publiques et à renforcer la présence de l’État dans les projets structurants sans décourager totalement l’investissement privé.


Niger : souveraineté mesurée sur l’uranium et l’énergie

Le Niger, troisième membre de l’AES, avance avec prudence.

  • L’État cherche à renforcer son contrôle sur l’uranium, ressource emblématique du pays, à travers des renégociations contractuelles avec les partenaires étrangers, plutôt que des expropriations.
  • Dans l’énergie, des projets de participation publique accrue sont envisagés pour garantir la sécurité énergétique nationale.

Cette approche prudente s’explique par le poids stratégique de l’uranium sur la scène internationale et la nécessité de préserver la confiance des investisseurs.


Une stratégie commune : souveraineté économique et intégration régionale

La création de l’AES en 2024 marque une rupture géopolitique : Mali, Burkina Faso et Niger ont quitté la CEDEAO pour affirmer une autonomie politique et économique. La reprise des actifs stratégiques s’inscrit dans cette logique :

  • Réduction de la dépendance aux multinationales et aux bailleurs internationaux,
  • Maximisation des revenus locaux pour financer le développement,
  • Coordination régionale pour créer un marché intégré capable de soutenir ses propres investissements.

Ce repositionnement fait écho à une tendance plus large en Afrique : du Ghana à la Guinée, plusieurs États renforcent leur contrôle sur les mines, l’énergie ou les télécoms pour conjuguer ressources nationales et stratégie de développement endogène.


L’État stratège à l’épreuve de la confiance et de la gestion

Le Mali, le Burkina Faso et le Niger partagent désormais un même credo : reprendre la main sur les secteurs clés pour garantir leur souveraineté. Mais cette politique de réaffirmation étatique soulève deux défis majeurs :

  1. Rassurer les investisseurs sur la continuité des contrats et la stabilité du cadre légal,
  2. Assurer une gestion exemplaire des entreprises et des ressources récupérées.

Dans une région où les richesses minières et énergétiques sont abondantes, l’État stratège peut devenir le moteur d’un développement durable… à condition que la souveraineté ne rime pas avec inefficacité ou isolement. La vraie réussite de cette stratégie se mesurera dans les prochaines années, lorsque la population verra ses ressources nationales transformées en infrastructures, emplois et croissance partagée.

La Rédaction

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