Soungalo Christophe Fayama : «Le rôle de la BRVM est de permettre aux PME d’accéder à une forme de financement plus ou moins réservée…».
Trader et négociateur principal de la Société de gestion d’intermédiation (SGI) CIFA-BOURSE, Soungalo Christophe Fayama est amené à faire des opérations quotidiennement sur le marché de la BRVM. Il explique comment les PME peuvent lever des fonds sur le marché financier, en particulier grâce à la BRVM.

Pouvez-vous nous expliquer brièvement ce qu’est la BRVM et quel est son rôle dans le financement des PME ?
La BRVM, c’est la Bourse Régionale des Valeurs Mobilières, régionale ici s’entend par la région UEMOA, elle est basée à Abidjan en Côte d’Ivoire et elle est commune aux huit pays de l’UEMOA.
La particularité de la bourse dans les opérations de financement est qu’à la différence du système bancaire, c’est le lieu de l’intermédiation directe entre les agents qui disposent de capacité d’épargne (investisseurs) et les agents à besoin de financement. Le rôle de la BRVM est de permettre aux PME d’accéder à une forme de financement plus ou moins réservée, il s’agit du financement par ouverture du capital. Les PME par émission d’actions vont procéder à une introduction en bourse qui est la phase primaire. Dans le cadre de cette introduction, elles vont pouvoir émettre des actions contre une levée de fonds sur le marché, afin d’obtenir des financements et seront ensuite cotées sur la BRVM qui est la phase secondaire.
Quels sont les principaux avantages pour une PME de lever des fonds sur le marché financier, en particulier à la BRVM ?
Les avantages sont multiples. D’abord la bourse permet de lever des fonds à moindres coûts lorsque c’est effectué par l’approche d’introduction en bourse, ensuite l’entreprise peut lever des volumes quasi illimités de fonds sur le marché financier, ce qui n’est pas possible avec le système bancaire. Un autre avantage de lever des fonds sur la BRVM est la durée de l’emprunt, car lever des fonds par introduction en bourse revient à faire une opération à très long terme. Du coup les PME bénéficient des fonds mais elles ne sont pas sous pression pour les rembourser, ce qui laisse à l’entreprise toute la latitude de mettre en œuvre son ou ses projets, de faire des investissements à bonne échéance, librement et sans pression. On peut aussi parler de la réputation que ça peut apporter aux PME. Lever des fonds sur la BRVM améliore la capacité des PME à bénéficier d’autres types de financement, parce qu’à l’introduction en bourse, on est d’office certifié à une bonne gouvernance, d’un management solide de l’entreprise, car ce sont des préalables qu’il faut avoir pour être sur la bourse.
Quels sont les critères que les PME doivent remplir pour être éligibles à une cotation à la BRVM ?
En termes de critères d’éligibilité, nous avons déjà sur la BRVM des critères majeurs pour l’introduction en bourse en général et normalement c’est ce qui devrait être appliqué aux PME/PMI. Mais dans l’optique d’encourager les PME à venir sur la bourse, la BRVM a essayé d’alléger les conditions d’admission. Pour une introduction en bourse, il y a des contraintes qui se déclinent sous différents aspects. Sur le plan juridique, il est exigé que les PME puissent être des sociétés qui se présentent sous forme de société anonyme (SA), sur l’aspect technique, on va leur demander nécessairement de se faire accompagner par une SGI ou une Listing Sponsoring pour les démarches auprès de la BRVM. Toujours sur le plan technique, il est également exigé des PME d’avoir une garantie, il faut aussi nécessairement que l’introduction soit faite par APE (Appel Public à l’Épargne) qui a un schéma déjà arrêté comprenant toute l’exigence de ladite opération. Enfin sur l’aspect financier, il y a aussi des exigences notamment en termes de volume minimum de fonds que la PME mobilise. Il doit être égal à 500 millions de FCFA. Il est aussi exigé que le nombre minimal d’actions qui seront émises et diffusées dans le public à l’occasion de l’opération d’APE soit égal à 25 000 actions et d’une valeur minimale de 500 millions de FCFA.
Quelles sont les différentes options de levée de fonds disponibles pour les PME ?
En dehors des mobilisations de fonds par APE, il existe d’autres modalités de levée de fonds. L’APE est utilisé dans deux cas, le premier c’est le cas de l’émission d’actions pour l’introduction en bourse, le deuxième cas, c’est pour l’émission des titres obligataires (obligations). Quand on parle d’obligation, il s’agit là de la dette, donc les entreprises peuvent venir faire une opération d’APE pour lever des fonds par émission d’obligation et qui est à rembourser. En dehors des opérations d’APE, nous avons aussi les opérations par Placement Privé (PP), pour laquelle il est aussi possible de réaliser des opérations de ventes d’actions, tout comme des opérations de levée de fonds par émission d’obligations. A la seule différence que les opérations de Placement Privé ne font pas l’objet de diffusion au grand public et concernent seulement les investisseurs avertis et le milieu des affaires. Pour le Placement Privé, il n’y a pas de limitation pour les émissions d’actions et il n’y a pas également trop d’exigences au niveau de l’emprunt obligataire.
Quels sont les risques potentiels pour une PME qui décide de lever des fonds sur le marché financier, et comment peuvent-ils être atténués ?
Au sens normal du terme, on ne devrait même pas parler de risque en termes d’introduction en bourse. Les risques pour une PME seront peut-être le résultat d’une inconséquence vis-à-vis des exigences de l’introduction en bourse, car en réalité le processus d’introduction lui-même fait de la gestion et de la maitrise des risques un préalable. Il serait difficile, voire impossible de voir qu’une entreprise a pris des risques pour être sur la bourse, ceux qui pourraient parler de risque sont certainement des entreprises dont les gouvernants et les gestionnaires ne veulent pas faire une bonne gestion correcte de leurs sociétés. Ce qui fait que si vous partez sur la bourse en tant que PME et que vous n’êtes pas assez conséquent avec vous-mêmes, vous pourriez avoir des problèmes. Car en refusant de se conformer aux exigences du marché, en l’occurrence la transparence dans la gestion de votre société par la diffusion d’informations au grand public, l’entreprise peut être sanctionnée, voir même ses actions en baisse ou même être radiée de la cote.
Comment la BRVM soutient-elle les PME dans le processus de cotation et de levée de fonds ?
Le soutien de la BRVM aujourd’hui, s’est matérialisé par le fait qu’elle a revisité les conditions d’admission à la bourse afin de faciliter la chose pour les PME, car jusqu’ici, après 20 ans de fonctionnement, on remarque que ce sont seulement les grandes entreprises qui sont cotées et elles ne sont pas nombreuses. Alors que dans notre zone économique, la plupart des entreprises sont toujours au niveau PME. Ayant constaté que ces structures sont écartées, la BRVM a allégé les conditions pour que les PME aussi puissent venir sur le marché. Au-delà de ça, elle a mis des plafonds au niveau des frais d’introduction pour que ça soit abordable pour les petites et moyennes entreprises.
Quels conseils donneriez-vous aux dirigeants de PME qui envisagent de lever des fonds sur le marché financier à travers la BRVM ?
Je crois que des conseils s’imposent. Tout dirigeant de PME qui souhaite tirer avantage de l’introduction en bourse, doit s’assurer d’avoir une vision claire de l’avenir, du projet d’expansion ou de diversification de son entreprise. Tout dirigeant de PME visionnaire devrait penser à s’introduire en bourse, car quand on est visionnaire, cela veut dire que l’objectif est d’atteindre le sommet et ce sommet, ce sont les grandes entreprises. Et pour devenir une grande entreprise, il faut nécessairement des financements et il n’y a pas de financement plus optimal que sur le marché financier. En introduisant votre entreprise sur la bourse, vous n’êtes plus le seul actionnaire, donc vous partagez les risques avec d’autres personnes, ce qui vous donne la latitude si vous avez des fonds, de pouvoir même lancer d’autres entreprises ou même investir dans d’autres secteurs.
Quel est l’impact de la cotation à la BRVM sur la croissance et le développement des PME ?
La cote est régie par le marché, si vous êtes une bonne entreprise qui fonctionne bien, qui fait de bons résultats, alors vos titres seront prisés par le marché et la cote va monter. Dans le cas contraire, elle va baisser. Si vous êtes bien cotée sur la bourse, l’avantage est que vous serez une entreprise où les gens voudront investir et vous n’aurez pas besoin de courir derrière les autres types de financement.
Existe-t-il des success stories de PME qui ont réussi à lever des fonds avec succès sur la BRVM ?
Il existe bien des success stories dans les deux types d’opérations. Pour l’APE nous avons le cas de la CIMA, une société immobilière qui a procédé à une opération de levée de fonds en termes d’emprunt obligataire, une opération qui s’est bien déroulée sans problème, il y a aussi la SOMABP qui a aussi réussi son emprunt obligataire. Et plus récemment, le groupe Azalaï hôtel qui a réussi son introduction sur le troisième compartiment de la BRVM dédié aux PME par émission d’actions.
Quelles sont les tendances actuelles et les perspectives futures pour les PME qui cherchent à lever des fonds sur le marché financier, en particulier à la BRVM ?
La tendance, c’est que les gens n’ont pas encore très bien compris l’importance pour eux en tant que société de s’introduire en bourse par émission d’actions ou par augmentation de capital. Les gens ont peur de perdre le contrôle de leur société, alors que si vous pesez le pour et le contre, c’est dans leur intérêt d’aller sur la bourse. Ce qui fait que l’essentiel des PME en ce moment, suite à leur sensibilisation par rapport au marché financier et à la BRVM, veulent lever des fonds sur le marché, mais elles veulent le faire sous le registre d’emprunt obligataire. Ce type d’opération leur permet de garder le contrôle de leur entreprise.
Y.Berthé