BRVM : Qui contrôle les comptes des sociétés cotées ? Les Big Four en première ligne.
Derrière chaque résultat trimestriel, chaque dividende et chaque communiqué financier à la BRVM, il y a des yeux qui vérifient. Ceux des commissaires aux comptes, chargés d’auditer les sociétés cotées et de certifier la sincérité de leurs états financiers.
Sur le marché financier régional de l’UEMOA, cette fonction est encadrée par le Conseil régional de l’épargne publique et des marchés financiers (CREPMF), qui impose aux sociétés cotées de se faire auditer par des cabinets agréés. Avec l’Instruction n°58/CREPMF/2019, le régulateur a renforcé le cadre : conditions de désignation, indépendance, normes professionnelles, contenu des rapports et obligations de transparence.
En théorie comme en pratique, l’audit est donc l’un des principaux garants de la confiance des investisseurs dans les chiffres publiés à la BRVM.
Une place dominée par les Big Four
Dans les faits, le paysage de l’audit des sociétés cotées à la BRVM est très concentré. Une analyse publiée par le site spécialisé Sikafinance sur la base des comptes 2018 répond clairement à la question : « Qui audite qui ? »
Sur 45 sociétés cotées analysées (hors une société en liquidation) :
- 31 sociétés sont auditées par l’un des Big Four,
- soit environ deux tiers du marché,
- et parmi ces grands cabinets, EY (Ernst & Young) apparaît comme le plus représenté, avec environ 17 mandats, soit près de 40 % des sociétés cotées qui lui confient leur audit.
Les quatre grands réseaux internationaux présents dans la zone sont :
- EY (Ernst & Young)
- Deloitte
- PwC (PricewaterhouseCoopers)
- KPMG
Ce sont eux qui tiennent l’essentiel du portefeuille des sociétés cotées, particulièrement dans les secteurs :
- banques et services financiers,
- télécommunications,
- grandes industries et utilities (énergie, distribution, agro-industrie, etc.).
Pour les émetteurs comme pour les investisseurs institutionnels, la présence d’un Big Four est souvent perçue comme un “label” de sérieux et de conformité internationale, notamment vis-à-vis des normes IFRS.
Les cabinets africains, présents mais encore minoritaires
L’analyse de Sikafinance met toutefois en évidence un autre phénomène : la montée des cabinets africains et locaux dans le paysage de l’audit à la BRVM.
On y retrouve :
- des cabinets de droit local (basés en Côte d’Ivoire, au Sénégal, au Burkina Faso, etc.),
- parfois membres de réseaux internationaux de taille intermédiaire,
- intervenant en tant que commissaires aux comptes de sociétés cotées de taille plus modeste ou de certains émetteurs obligataires.
Cette montée en puissance reste toutefois progressive :
- les Big Four gardent la main sur les plus grosses capitalisations et les secteurs jugés sensibles,
- les cabinets africains renforcent plutôt leur présence sur des segments spécialisés ou des sociétés de taille moyenne,
- le déséquilibre reste net quand on regarde le nombre total de mandats.
Mais leur présence est appelée à croître, notamment avec :
- le développement de l’écosystème financier régional,
- la demande de proximité de certaines entreprises,
- et la volonté de voir émerger des champions africains de l’audit.
Un cadre réglementaire de plus en plus exigeant
La fonction de commissaire aux comptes dans l’UEMOA n’est pas laissée à l’improvisation.
L’Instruction n°58/CREPMF/2019 :
- s’applique aux sociétés cotées et aux structures agréées (SGI, SGO, OPCVM, etc.),
- impose des critères d’honorabilité, de compétence et de moyens pour les cabinets,
- encadre la nomination, la durée et le renouvellement des mandats,
- décrit les diligences minimales attendues et les rapports à transmettre.
En parallèle, la BRVM publie sur son site les rapports annuels des sociétés cotées – documents dans lesquels les noms des commissaires aux comptes sont systématiquement mentionnés.
L’enjeu pour le régulateur est double :
- assurer la qualité de l’information financière,
- éviter les situations de conflits d’intérêts ou de dépendance trop forte entre un cabinet et un émetteur.
Où trouver, société par société, “qui audite qui” ?
Pour un journaliste, un analyste ou un investisseur qui veut savoir précisément quel cabinet audite quelle société, les sources sont bien identifiées :
- Les rapports annuels des sociétés cotées
- disponibles sur le site de la BRVM,
- rubrique “Rapports sociétés cotées”,
- chaque rapport mentionne le ou les commissaires aux comptes en fonction.
- Les analyses spécialisées
- l’article de Sikafinance intitulé « Commissaires aux comptes des sociétés cotées à la BRVM : qui audite qui ? » propose par exemple une cartographie détaillée des CAC par émetteur, sur la base des comptes 2018.
En combinant ces deux sources, il est possible de :
- suivre l’évolution des mandats d’audit dans le temps,
- repérer les rotations de cabinets,
- mesurer la concentration réelle du marché de l’audit sur la place régionale.
Transparence boursière : le maillon souvent discret, mais essentiel
Dans les communiqués boursiers, on parle de résultats, de croissance, de dividendes, parfois de projets d’investissement. Rarement des cabinets d’audit. Pourtant, ce sont eux qui certifient la crédibilité des chiffres.
Le fait que :
- près de deux tiers des sociétés cotées soient auditées par les Big Four,
- EY apparaît comme le cabinet le plus présent,
- des cabinets africains commencent à se faire une place,
dessine une carte de l’audit à la BRVM qui mêle standards internationaux et ancrage régional.
À l’heure où la place régionale veut attirer plus d’investisseurs – locaux comme étrangers – la question n’est pas seulement de savoir combien de sociétés sont cotées, mais aussi qui certifie leurs comptes.
En bourse, la confiance se joue souvent sur quelques lignes en bas de bilan… et quelques signatures en bas de page.
La Rédaction



