Crédit bancaire au Mali : L’heure du réveil ou celle de la résignation ?

Dans un Mali confronté à des turbulences politiques et à une transition économique incertaine, les chiffres du crédit bancaire publiés par la BCEAO auraient pu passer inaperçus. Pourtant, derrière la façade d’une stabilité apparente des encours de prêts en 2025, se cache une réalité plus complexe, plus révélatrice des hésitations d’un pays qui cherche encore sa voie.
Un calme trompeur dans le système bancaire
À première vue, le tableau semble rassurant : les banques maliennes n’ont pas fermé les vannes du crédit. L’encours global reste stable, les taux débiteurs amorcent même un léger repli, et le financement de l’économie, bien que timide, se poursuit. Mais cette stabilité n’est-elle pas simplement l’expression d’un attentisme généralisé ?
Depuis le resserrement monétaire impulsé par la BCEAO en 2023-2024, le secteur bancaire opère dans un climat d’extrême prudence. Le taux directeur est resté à 3,50 % au premier semestre 2025, limitant les marges de manœuvre pour un crédit réellement expansif. À cela s’ajoute une incertitude politique et sécuritaire persistante qui pousse les établissements à privilégier les prêts à court terme plutôt que de parier sur des projets à long terme.
Une économie sous perfusion de financements d’exploitation
La majorité des prêts octroyés cette année l’ont été pour des besoins d’exploitation : avances sur recettes, financement de campagnes agricoles, gestion de trésorerie… Peu de choses pour préparer l’avenir ou encourager l’innovation. Les crédits à l’investissement sont marginaux, dans un pays qui a pourtant un besoin urgent de reconstruction productive, notamment dans les infrastructures, l’agro-industrie, ou l’énergie.
Les banques maliennes, tout comme leurs consœurs de la zone UEMOA, évoluent dans un environnement où le risque est endogène : absence de notation fiable des entreprises, garanties limitées, procédures juridiques lentes… Ce sont autant de freins à une politique de crédit volontariste.
Repenser le rôle du crédit dans la relance économique
Mais peut-on bâtir un développement durable sur la seule prudence ? Le crédit bancaire ne devrait pas seulement répondre aux besoins de trésorerie à court terme. Il devrait aussi incarner un choix stratégique de transformation économique. En cela, le rôle de l’État devient central : création d’un climat de confiance, accompagnement des secteurs porteurs, renforcement du cadre réglementaire et fiscal, soutien ciblé aux PME.
Le Mali à la croisée des chemins
Le pays n’est pas sans ressources. Les signes d’un regain d’activité sont là. Les entreprises cherchent à investir. Les jeunes innovent. L’agriculture se modernise par endroits. Mais tout cela restera embryonnaire si le financement n’est pas au rendez-vous. La BCEAO donne des signaux d’ouverture, les banques montrent une certaine résilience… Il ne manque peut-être qu’un sursaut de vision collective pour transformer la stabilité en décollage.
Le crédit n’est pas seulement un instrument financier. C’est un pari sur l’avenir. À nous de décider si nous voulons le jouer ou continuer à temporiser.
La Rédaction