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Sénégal : Un nouveau code minier attendu avant fin 2025 pour reprendre la main sur ses ressources.

Le Sénégal s’apprête à tourner une nouvelle page de sa gouvernance minière. D’ici la fin 2025, les autorités annoncent l’adoption d’un nouveau code minier, appelé à remplacer celui de 2016. Au-delà d’un simple toilettage juridique, il s’agit d’un signal fort : Dakar veut mieux contrôler l’exploitation de ses ressources, capter davantage de valeur ajoutée et répondre à des attentes sociales longtemps jugées insatisfaites.


Un secteur minier en plein essor, mais sous surveillance

L’initiative ne tombe pas du ciel. Depuis plusieurs années, le secteur extractif sénégalais affiche une montée en puissance notable.

Selon des données issues de l’Initiative pour la transparence dans les industries extractives (ITIE), les revenus extractifs ont atteint 236,59 milliards FCFA au premier semestre 2024, dont 225,49 milliards FCFA injectés directement dans le budget de l’État.
L’or constitue la locomotive de ces recettes, suivi par le clinker (industrie du ciment) et l’acide phosphorique.

En clair, le sous-sol sénégalais rapporte, et de plus en plus. Mais cette croissance s’accompagne de tensions :

  • attentes fortes des populations riveraines,
  • questions sur la transparence des contrats,
  • inquiétudes sur les impacts environnementaux,
  • et débat permanent sur le partage équitable de la rente.

C’est dans ce contexte que le gouvernement a décidé d’aller plus loin en réformant le cadre légal.


Du code de 2016 au futur code : un changement d’ère

Le cadre actuel, hérité du code minier de 2016, est jugé dépassé au regard des nouvelles ambitions du pays.
Avec l’arrivée de Bassirou Diomaye Faye à la présidence, la ligne est assumée :
plus question de se contenter d’exporter des minerais bruts,
l’objectif est de développer des capacités de transformation locale et de renforcer la souveraineté économique.

Le futur code minier, annoncé pour avant fin 2025, s’insère dans un mouvement plus large de réformes structurelles, aux côtés :

  • du nouveau code des impôts,
  • et du code des investissements récemment revus.

Dakar veut harmoniser ses textes pour attirer des investisseurs sérieux, tout en sécurisant une meilleure part de la valeur pour l’État et les populations.


Renégociation des contrats : le rapport de force change

L’une des pièces maîtresses de cette refonte, c’est la renégociation des contrats miniers en cours depuis 2024.
Objectif :

  • revoir à la hausse la part de revenus captée par l’État,
  • mieux cadrer les engagements en matière d’emplois locaux, de contenu local, d’environnement,
  • et réduire les “angles morts” qui, par le passé, ont permis des arrangements défavorables au pays.

Le message envoyé aux compagnies minières est clair :
Le Sénégal reste ouvert aux investissements, mais l’époque des contrats “trop généreux” pour les opérateurs est révolue.


Deux fonds stratégiques pour l’environnement et les territoires

Au-delà des principes, les autorités mettent en avant des instruments concrets, en particulier l’activation de deux fonds clés :

  • le Fonds de réhabilitation minière, destiné à financer :
    • la remise en état des sites après exploitation,
    • la limitation des dégâts environnementaux,
    • la gestion des passifs écologiques trop souvent laissés à la charge des communautés.
  • le Fonds de développement des collectivités territoriales, alimenté par une partie des revenus miniers, avec pour mission :
    • d’accompagner le développement des zones minières,
    • de financer des infrastructures locales,
    • et de rendre visible, sur le terrain, la valeur extraite du sous-sol.

Sur le plan politique, ces fonds servent aussi de réponse aux critiques répétées de populations qui, pendant des années, ont vu passer les camions… sans voir passer le développement.


Quand les ressources doivent “parler le langage du progrès”

Lors du Salon international des mines organisé à Dakar du 4 au 6 novembre 2025, le président Bassirou Diomaye Faye a résumé la philosophie de la réforme :
Les ressources minières doivent désormais “parler le langage du progrès, de la connaissance et du bien-être collectif”.

Derrière la formule, une orientation nette :

  • utiliser les revenus miniers pour financer l’éducation, la santé, les infrastructures,
  • soutenir l’industrialisation,
  • éviter la “malédiction des ressources” qui guette les pays riches en minerais mais pauvres en institutions.

Le futur code minier est donc pensé comme un outil pour ancrer dans la loi cette vision de ressources au service du développement, et non l’inverse.


Un équilibre délicat : rassurer les populations sans faire fuir les investisseurs

Reste une équation délicate à résoudre :
comment renforcer la souveraineté et la redistribution,
sans déstabiliser le climat des affaires ?

Pour l’instant, le discours officiel insiste sur :

  • la stabilité du cadre juridique,
  • la volonté de garantir la sécurité des investissements,
  • et la recherche d’un partage “plus juste” de la valeur, plutôt que d’une rupture brutale.

Les investisseurs, eux, observent.
Entre crainte d’une hausse de la fiscalité, nouvelles obligations sociales ou environnementales, et intérêt pour un pays qui affiche un fort potentiel minier, la position n’est ni confortable ni désespérée.
Dakar joue un jeu de funambule : durcir les règles sans casser l’attractivité.


Un pari à long terme sur la transformation du modèle minier

En toile de fond, le Sénégal semble vouloir sortir du modèle classique selon lequel :

On extrait vite, on exporte brut, et on encaisse ce qu’on peut.

Le nouveau code minier devrait :

  • encourager ou exiger davantage de transformation locale,
  • renforcer les exigences de contenu local,
  • intégrer plus fortement les préoccupations de transparence et d’acceptabilité sociale.

Si la réforme est bien conçue, elle pourrait offrir au pays un saut qualitatif dans la manière de gérer ses richesses.
Si elle est mal calibrée, elle risque de freiner les investissements ou de multiplier les contentieux.


En promettant un nouveau code minier avant fin 2025, le Sénégal ne change pas seulement de loi : il change de posture. Il ne se présente plus comme simple terrain d’exploitation, mais comme partenaire exigeant.
Reste à voir si, au moment de l’arbitrage final, le texte saura concilier ce que les mines donnent rarement ensemble : la rente, la justice sociale… et la paix avec les investisseurs.

La Rédaction

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