Sénégal : Malaise au sommet après les accusations de surfacturation de Sonko contre un ministre.
Le climat politique sénégalais, déjà sous tension, vient de franchir un nouveau cap de crispation. Une accusation publique de surfacturation, lancée par le Premier ministre Ousmane Sonko contre un membre de son propre gouvernement, jette un froid au sommet de l’État et soulève de lourdes questions sur la cohésion du pouvoir et la transparence dans la gestion publique.
Tout est parti d’un discours tenu à Dakar par le Premier ministre Sonko. Devant une foule conquise, il a accusé, sans le nommer directement, un ministre de son gouvernement d’avoir été impliqué dans un cas de surfacturation sur un marché public d’un montant d’environ 45,3 milliards de francs CFA, relatif à la construction et à la réhabilitation d’infrastructures universitaires.
Quelques heures plus tard, la presse a identifié le principal visé : Abdourahmane Diouf, ministre de l’Enseignement supérieur et ancien porte-parole du parti Awalé.
Le marché en question concerne la construction de 143 bâtiments et la réhabilitation de 29 autres, répartis en cinq lots sur plusieurs sites universitaires du pays, notamment Dakar, Thiès et Bambey.
Un dossier encore flou
Sauf que les vérifications menées par L’Observateur et d’autres médias locaux, comme PressAfrik et Pulse.sn, soulignent une donnée cruciale : aucun contrat n’a encore été signé pour ce marché.
En d’autres termes, parler de “surfacturation” serait prématuré, voire techniquement impossible à ce stade.
Les entreprises adjudicataires n’ont pas encore reçu d’ordre de service, et les documents officiels ne font état d’aucun paiement.
Ce détail, que les techniciens du ministère de l’Enseignement supérieur s’empressent de rappeler, fragilise l’accusation. Mais il ne suffit pas à éteindre la tempête politique.
Un parfum de malaise au sommet
Dans les couloirs du pouvoir, le malaise est palpable. Car si le Premier ministre accuse publiquement un ministre en exercice, c’est l’image même de la cohésion gouvernementale qui vacille.
Le président Bassirou Diomaye Faye, jusque-là silencieux sur le sujet, semble observer un mutisme stratégique, mais ce silence est loin d’apaiser les tensions.
L’éditorialiste Mamadou Ndiaye résume le sentiment général : « Ce silence turlupine Sonko et intrigue l’opinion. Car l’affaire donne l’impression d’une dissonance au sommet de l’État ». (Senego.com)
Une bataille d’image et de crédibilité
Pour Ousmane Sonko, cette sortie publique s’inscrit dans une stratégie de transparence qu’il brandit depuis son arrivée à la primature : “rompre avec le système” et mettre fin aux pratiques opaques.
Mais en interne, certains proches du pouvoir s’inquiètent : ces accusations publiques fragilisent la crédibilité du gouvernement et alimentent l’idée d’un pouvoir divisé entre idéalistes et pragmatiques.
De son côté, le ministre Abdourahmane Diouf n’a pas répondu directement aux attaques. Il s’est contenté de publier un message sur ses valeurs et son engagement, affirmant être prêt à « rendre compte à tout moment ».
Entre vérité et stratégie politique
Au-delà du fond, cette affaire illustre un bras de fer latent entre deux lignes : celle de la rigueur morale prônée par Sonko, et celle d’une gestion plus institutionnelle défendue par d’autres ministres.
Dans les prochains jours, la présidence sera sans doute poussée à clarifier sa position. Faute de quoi, le “malaise” pourrait s’enraciner et nuire à l’image de ce gouvernement présenté, il y a quelques mois encore, comme le symbole du renouveau.
Au Sénégal, les scandales de gouvernance ont souvent fait des vagues sans jamais renverser le bateau. Mais cette fois, la houle vient de l’intérieur même de l’équipage. Et si l’affaire n’est pas encore un naufrage, elle montre déjà qu’entre promesse d’intégrité et réalité du pouvoir, la traversée ne fait que commencer.
La Rédaction



