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Mobiliser l’épargne locale au Mali : Un enjeu stratégique pour l’autonomie économique

Alors que le Mali cherche à bâtir une économie plus résiliente et moins dépendante des financements extérieurs, la mobilisation de l’épargne locale apparaît comme un levier essentiel mais encore sous-exploité. Malgré une inclusion financière en nette progression, l’essentiel de l’épargne des ménages reste encore hors du circuit bancaire formel. Pourquoi et comment inverser cette tendance ? Décryptage d’un enjeu capital pour le développement économique du pays.


Une inclusion financière en progrès… mais encore insuffisante

Selon le portail Making Finance Work for Africa, le taux d’inclusion financière au Mali est passé de 8,2 % en 2011 à près de 35 % aujourd’hui. Cela traduit une avancée notable, favorisée notamment par la digitalisation des services financiers et le développement de la microfinance. Néanmoins, une large majorité de la population, notamment en milieu rural, continue de recourir à des formes d’épargne informelles.

Les banques classiques telles que la BDM SA, la BNDA ou encore la BOA offrent des produits d’épargne formels, mais souvent inadaptés aux réalités des petits épargnants : conditions d’accès restrictives, faibles rendements, procédures complexes, etc.


L’épargne informelle, pilier silencieux de la résilience des ménages

Dans les zones rurales et périurbaines, les formes d’épargne collective sont très répandues. Il s’agit par exemple des tontines, des associations villageoises d’épargne ou encore des groupes autogérés comme ceux appuyés par le programme « Saving for Change ». Ces dispositifs ont permis d’augmenter les capacités d’épargne de ménages à faibles revenus et de renforcer leur résilience face aux chocs économiques.

Cependant, ces structures échappent encore largement aux circuits de financement formels. L’absence de régulation, de protection des dépôts ou de connectivité avec les institutions financières freine leur potentiel de transformation économique à grande échelle.


Des instruments publics sous-exploités

Pour mobiliser les ressources nationales, l’État malien émet régulièrement des titres publics sur le marché de l’Union monétaire ouest-africaine (UMOA). En 2022, un emprunt obligataire à 10 ans a permis de lever plus de 207 milliards de FCFA. En mars 2023, une émission de 120 milliards a également été souscrite avec succès. Ces résultats prouvent l’existence d’une capacité d’épargne dans le pays, du moins dans les cercles économiques formels.

Mais ces instruments restent peu accessibles au grand public. Ils s’adressent en priorité aux banques, aux sociétés d’assurance ou à des investisseurs institutionnels. Le citoyen lambda n’a ni l’information, ni les outils nécessaires pour y souscrire facilement.


Les défis structurels à surmonter

Mobiliser davantage l’épargne locale nécessite de lever plusieurs freins structurels :

  • La bancarisation limitée : une grande partie de la population reste en dehors du système bancaire, en raison du coût élevé des services ou de leur indisponibilité dans les zones rurales.
  • Le manque de confiance dans les institutions : les crises qu’ont connues certaines structures de microfinance ont durablement érodé la crédibilité du secteur.
  • L’insuffisance des services digitaux sécurisés : l’usage du mobile banking reste marginal, faute de plateformes robustes et accessibles.
  • La faible éducation financière : beaucoup de Maliens n’ont pas connaissance des outils d’épargne existants, ou ne comprennent pas les avantages de l’épargne formelle.

Quelles pistes pour mieux mobiliser l’épargne des Maliens ?

Pour transformer l’épargne dormante en capital productif, plusieurs axes d’action sont envisageables :

1. Intégrer l’épargne communautaire dans l’économie formelle

Des programmes comme « Saving for Change », mis en œuvre dans plusieurs localités maliennes, ont montré qu’il était possible d’augmenter l’épargne rurale de plus de 30 %. En les connectant à des institutions reconnues et en garantissant la sécurité des dépôts, ces groupes pourraient jouer un rôle de relais local entre le secteur informel et la finance officielle.

2. Créer des produits d’épargne adaptés aux réalités locales

Il s’agit ici d’innover en proposant des comptes accessibles sans frais d’ouverture ni solde minimum, mais aussi en créant des produits saisonniers, notamment pour les agriculteurs qui ne disposent de revenus qu’après les récoltes.

3. Développer une épargne digitale de proximité

La digitalisation des services bancaires et la synergie avec les opérateurs de mobile money peuvent permettre aux populations rurales d’épargner sans avoir à parcourir de longues distances. Des initiatives existent, mais elles doivent être soutenues, sécurisées et étendues.

4. Promouvoir l’épargne citoyenne pour le financement public

À l’image des obligations d’épargne en France ou des emprunts nationaux au Maroc, l’État pourrait créer des bons du Trésor grand public à faible montant d’entrée, accessibles via mobile ou agences de proximité.


Une stratégie à construire pour l’avenir

La mobilisation de l’épargne locale est une opportunité stratégique pour le Mali. Elle permettrait de réduire la dépendance aux financements extérieurs, de soutenir les investissements publics, mais aussi de renforcer la stabilité macroéconomique. Pour réussir, cette ambition devra s’appuyer sur :

  • Un cadre réglementaire adapté ;
  • Une digitalisation inclusive et sécurisée ;
  • Des campagnes massives d’éducation financière ;
  • Un dialogue renforcé entre acteurs publics, privés et communautaires.

Plutôt qu’un simple levier financier, l’épargne locale pourrait devenir un véritable pilier de la souveraineté économique malienne.

La Rédaction

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