Mali : Quand le FMI douche les espoirs de croissance 2025.
Le Mali restera en croissance en 2025, mais moins qu’espéré.
Dans sa dernière mission de suivi, bouclée fin novembre 2025, le Fonds monétaire international (FMI) a revu à la baisse sa prévision de croissance pour l’économie malienne. On ne parle plus de 5 % comme évoqué au milieu de l’année, mais d’environ 4,1 % de progression du produit intérieur brut (PIB).
Sur le papier, 4,1 % de croissance, ce n’est ni un effondrement ni une récession. Mais dans un pays où la population augmente fortement chaque année, cette correction signifie une chose simple : il y aura moins de richesse à partager par habitant que prévu. Et ce coup de frein n’est pas dû à un seul facteur, mais à une succession de chocs qui s’additionnent depuis plusieurs mois.
Une croissance blessée par une série de chocs
Pour comprendre ce que dit le FMI, il faut remonter à la mécanique de la croissance malienne.
Énergie et carburant : le moteur qui tousse
Premier choc : l’énergie.
Les difficultés d’approvisionnement en carburant, combinées aux coupures d’électricité récurrentes, affectent directement l’activité. Quand le gasoil est rare ou cher, ce sont les camions, les motos-taxis, les machines agricoles et les générateurs des commerces qui tournent au ralenti. Quand la lumière s’éteint dans les entreprises, ce sont les ateliers, les PME et les services de base qui s’arrêtent.
Derrière des mots techniques comme “choc énergétique”, il y a un quotidien très concret :
- des boutiques qui réduisent leurs horaires,
- des entreprises qui repoussent des investissements,
- des coûts de production qui augmentent.
Tout cela finit par se voir dans les chiffres de croissance.
L’or et le lithium : promesses et fragilités
Deuxième choc : le secteur minier, colonne vertébrale des exportations maliennes.
L’or, principale source de devises, a connu des perturbations de production sur certains grands sites. À cela se sont ajoutées des tensions entre l’État et des groupes miniers, réglées en partie, mais qui ont envoyé un message d’incertitude aux investisseurs.
En parallèle, le lithium arrive comme nouvel eldorado potentiel. Le FMI reconnaît que ce métal stratégique pourrait, à moyen terme, devenir un moteur majeur de croissance. Mais il insiste sur un point : cette promesse ne se matérialisera vraiment que si le cadre juridique, fiscal et sécuritaire est clair et stable. Autrement dit : pas de stabilité, pas de miracle du lithium.
Budget, aides et relations extérieures : un contexte moins favorable
Troisième choc : le financement de l’économie.
Le Mali évolue dans un environnement où :
- l’aide au développement et l’aide humanitaire ont diminué,
- l’accès au financement extérieur s’est compliqué,
- les partenaires traditionnels réévaluent leur engagement.
Les tensions politiques et le repositionnement diplomatique du pays, notamment vis-à-vis de certains partenaires occidentaux et d’organisations régionales, ont une conséquence directe : le risque perçu augmente, et avec lui le coût ou la rareté des financements.
Le FMI ne s’y trompe pas : il classe le Mali parmi les pays où l’incertitude est la plus élevée depuis plus d’une décennie. Or ses propres travaux montrent qu’un choc d’incertitude marqué peut retirer près d’un point de croissance au trimestre suivant. C’est précisément ce que l’on voit : une prévision qui glisse de 5 % à environ 4,1 %.
Sécurité et politique : le poids de l’instabilité
Quatrième choc : la sécurité et le climat politique.
Les autorités maliennes sont confrontées à un niveau de violence élevé dans plusieurs régions. Pour les investisseurs, nationaux comme étrangers, la carte du risque se lit très vite : projet risqué = projet reporté, réduit ou annulé.
À cela s’ajoute une incertitude politique entretenue par :
- la sortie de certaines alliances (G5 Sahel, retrait de la MINUSMA, annonce de sortie de la CEDEAO),
- les incertitudes sur le calendrier et le déroulement des élections,
- les tensions avec plusieurs partenaires internationaux.
Résultat : ménages et entreprises adoptent une attitude d’attente. On repousse l’achat, on diffère l’investissement, on réduit les projets de développement. C’est la croissance qui en paie la note.
Un Mali qui résiste, mais sous condition
Malgré ce tableau chargé, le FMI ne prophétise pas l’effondrement du Mali. Au contraire, il reconnaît une certaine résilience de l’économie.
L’agriculture : bouclier social et économique
L’agriculture reste le socle. Elle représente une part considérable du PIB et emploie l’essentiel de la population active. Les campagnes agricoles relativement correctes, malgré les aléas climatiques, permettent de maintenir un minimum de dynamisme dans les zones rurales et un approvisionnement des marchés urbains.
Mais le diagnostic du FMI est clair : pour que l’agriculture cesse d’être seulement un amortisseur de crises et devienne un véritable moteur de transformation, il faudra investir massivement dans :
- l’irrigation,
- les intrants (semences, engrais de qualité),
- la mécanisation,
- la transformation locale (stockage, agro-industrie).
Services et télécoms : le potentiel sous contrainte
Les services – commerce, transport, télécommunications, finance – restent dynamiques. Le développement du mobile money, la montée en puissance des fintechs, l’essor des services numériques et logistiques donnent de la profondeur à l’économie.
Mais là encore, la base est fragile : sans électricité fiable, sans sécurité sur les routes et sans stabilité réglementaire, ce potentiel reste bridé.
Le pari du lithium et des réformes
Le FMI esquisse, à partir de 2026, un scénario plus optimiste : si la production d’or se stabilise, si les projets de lithium montent en puissance et si la situation sécuritaire se détend, la croissance pourrait remonter autour de 5,5 %.
C’est un “si” à plusieurs conditions :
- securiser les sites miniers et les corridors,
- offrir un cadre contractuel stable aux investisseurs,
- veiller à ce que les recettes minières profitent aussi au budget et à l’économie locale, et pas seulement à quelques acteurs.
Ce que le FMI demande concrètement aux autorités
Au-delà des chiffres, le message du FMI ressemble à une feuille de route économique.
1. Réduire l’incertitude
Le Fonds recommande d’abord de rendre l’environnement plus lisible :
- clarifier le calendrier politique,
- stabiliser les engagements internationaux,
- offrir de la prévisibilité aux entreprises, notamment dans les secteurs clés (mines, télécoms, énergie).
L’idée est simple : un investisseur préfère un environnement difficile mais stable, plutôt qu’un environnement incertain où les règles changent sans prévenir.
2. Réparer le lien avec les bailleurs
Deuxième recommandation : réparer et diversifier les relations financières.
Le FMI pousse pour :
- une meilleure transparence des finances publiques,
- une gestion prudente de la dette,
- une meilleure qualité de la dépense (moins de gaspillage, plus d’investissement productif et social).
Le message implicite : si le Mali veut accéder à des financements à des conditions acceptables, il doit inspirer confiance, non seulement par le discours, mais par les chiffres.
3. Prioriser l’énergie et les infrastructures
Troisième axe : investir dans l’énergie et les infrastructures de base.
Sans électricité stable, aucune industrialisation crédible n’est possible. Sans routes, les produits agricoles se perdent et les coûts de transport explosent. Le FMI encourage des choix budgétaires et des partenariats orientés vers ces secteurs structurants.
4. Protéger les plus vulnérables
Enfin, le FMI insiste sur la nécessité de protéger les dépenses sociales.
Car une croissance qui ralentit, combinée à une insécurité persistante et à une baisse de l’aide, se traduit vite par une aggravation de la pauvreté, des inégalités et de la frustration sociale. Le Fonds plaide pour des dispositifs ciblés en faveur des plus pauvres, tout en gardant une discipline budgétaire.
Un avertissement… mais pas une condamnation
En révisant la croissance du Mali à 4,1 % en 2025, le FMI envoie un message sans détour :
Le pays ne s’effondre pas, mais s’épuise sous le poids accumulé des chocs énergétiques, sécuritaires, politiques et financiers.
La balle est désormais clairement dans le camp des autorités maliennes :
- soit ces chocs deviennent le “nouveau normal” et la croissance plafonne,
- soit des choix courageux en matière de stabilité, d’énergie, de gouvernance et de gestion des ressources minières permettent de transformer ces fragilités en opportunités.
Dans la bataille des chiffres, une chose reste certaine : au-delà du PIB, ce sont les capacités du Mali à créer des emplois, stabiliser son environnement et investir dans son avenir qui feront la différence.
Le FMI a parlé. Reste à voir si Bamako fera de cette révision un simple avertissement… ou le point de départ d’un vrai sursaut.
La Rédaction



