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Mali : L’intelligence artificielle s’invite au 3ᵉ Congrès d’imagerie médicale et bouscule les pratiques de diagnostic.

Le 3ᵉ Congrès de la Société malienne d’imagerie médicale (SOMIM) s’est tenu à Bamako, à l’Hôtel Azalaï, les 28 et 29 novembre 2025, avec un thème qui tranche nettement avec l’image classique du stéthoscope et de la radiographie sur plaque : l’impact croissant de l’intelligence artificielle (IA) en imagerie médicale.

Radiologues, médecins spécialistes, techniciens d’imagerie, chercheurs et partenaires techniques se sont retrouvés pendant deux jours pour débattre d’une question simple mais lourde de conséquences : comment intégrer l’IA dans les hôpitaux maliens sans perdre de vue la réalité du terrain ?


Un enjeu reconnu au plus haut niveau de l’État

La cérémonie d’ouverture a été présidée par la ministre de la Santé et du Développement social, Assa Badiallo Touré, signe que ce congrès ne relève pas d’un simple échange académique, mais s’inscrit dans la réflexion plus large sur la modernisation du système de santé malien.

Dans son intervention, la ministre a rappelé :

  • le rôle stratégique de l’imagerie médicale dans le diagnostic précoce et la prise en charge des patients ;
  • la nécessité de mettre à niveau le plateau technique, du CHU aux hôpitaux régionaux, dans un contexte de forte pression sur les services ;
  • l’importance d’anticiper les évolutions technologiques, plutôt que de les subir une fois qu’elles seront devenues incontournables.

Pour la SOMIM, ce congrès est autant un rendez-vous scientifique qu’un outil de plaidoyer auprès des autorités et des partenaires internationaux.


Imagerie médicale à l’ère de l’IA : promesses et réalités

Au cœur des échanges : cette question désormais omniprésente dans le monde de la santé – que peut vraiment apporter l’IA aux médecins ?

Les communications et interventions ont mis en avant plusieurs apports concrets :

Aide au diagnostic :

  • détection assistée de lésions sur les images (tumeurs, fractures, pathologies pulmonaires, etc.),
  • tri des cas les plus urgents,
  • réduction du risque d’oubli de petites anomalies.

Gain de temps :

  • diminution du temps de lecture de certains examens,
  • meilleure gestion des files d’attente dans les services saturés.

Optimisation technique :

  • amélioration de la qualité des images en post-traitement,
  • aide à la réduction des doses de radiation pour certains examens tout en maintenant une qualité diagnostique acceptable.

À l’international, des études montrent déjà que certains algorithmes d’IA atteignent des performances comparables à celles de radiologues pour la détection de pathologies ciblées, notamment en radiologie thoracique et en mammographie, lorsqu’ils sont intégrés dans un workflow clinique encadré.

Pour la SOMIM, l’enjeu n’est pas de “remplacer” le radiologue, mais de lui donner un outil supplémentaire, surtout dans un pays où les spécialistes sont peu nombreux au regard de la demande.


Un système de santé sous tension, en quête de solutions

Les débats du congrès ont également rappelé un contexte que tous les praticiens connaissent :

  • manque de radiologues et de manipulateurs en imagerie,
  • équipements hétérogènes et parfois anciens,
  • concentration des moyens à Bamako, alors que la demande en imagerie augmente partout dans le pays.

Dans ce cadre, l’IA n’est pas présentée comme une baguette magique, mais comme une opportunité d’optimiser les ressources :

  • faciliter la télé-radiologie et la relecture d’images à distance ;
  • harmoniser les pratiques via des protocoles standardisés assistés par logiciel ;
  • mieux exploiter les images existantes au lieu de multiplier les examens redondants.

L’ombre au tableau : données, éthique et dépendance technologique

Si les promesses de l’IA sont séduisantes, les participants n’ont pas esquivé les zones de risque :

Données de santé :

  • où sont stockées les images ?
  • qui y a accès ?
  • comment protéger la confidentialité des patients ?
  • ⚙️ Algorithmes “boîte noire” :
    • difficulté à expliquer certaines décisions des systèmes d’IA,
    • question de la responsabilité médicale en cas d’erreur de diagnostic assisté.

Dépendance technologique :

  • risque de dépendance vis-à-vis de solutions importées, parfois peu adaptées aux réalités locales,
  • Nécessité de former des équipes nationales capables d’évaluer, d’adapter et de maintenir ces outils.

Plusieurs intervenants ont insisté sur la nécessité de développer un cadre réglementaire et éthique national sur l’usage de l’IA en santé, afin de ne pas laisser ces choix techniques au seul marché.


Former les hommes autant que moderniser les machines

Un autre message fort de ce 3ᵉ Congrès d’imagerie médicale tient en une phrase : “l’IA ne remplacera pas les radiologues mal formés, elle amplifiera leurs erreurs.”

D’où la mise en avant :

  • de la formation initiale et continue des radiologues et techniciens d’imagerie,
  • du renforcement des compétences numériques (dossiers informatisés, PACS, télé-radiologie),
  • de l’intégration des notions d’IA, de big data et d’éthique des algorithmes dans les cursus.

La SOMIM appelle à des partenariats structurés avec :

  • les universités,
  • les hôpitaux universitaires,
  • les éditeurs de logiciels d’imagerie et les acteurs de la tech,

pour que le Mali ne soit pas seulement un utilisateur passif de solutions IA, mais un acteur qui sait dialoguer techniquement avec les fournisseurs.


Un congrès comme tremplin, pas comme vitrine ponctuelle

Au terme des deux jours, les participants ont formulé des recommandations autour de trois axes :

  1. Financement et modernisation du plateau technique
    • mise à niveau des équipements (scanner, IRM, échographes, systèmes d’archivage),
    • plan progressif d’introduction de solutions d’IA compatibles avec les infrastructures existantes.
  2. Gouvernance et régulation
    • élaboration d’un cadre national sur l’usage de l’IA en santé,
    • intégration des enjeux de protection des données et de souveraineté numérique.
  3. Formation et recherche
    • renforcement de la formation continue,
    • encouragement de projets de recherche appliquée associant praticiens, informaticiens et partenaires internationaux.

Au final, ce 3ᵉ Congrès d’imagerie médicale aura eu le mérite de poser clairement l’enjeu :

soit le Mali anticipe l’arrivée de l’IA en imagerie et l’intègre selon ses priorités sanitaires,
Soit il la subira plus tard, à ses conditions financières et techniques.

Pour une fois, les radiologues maliens ont choisi d’ouvrir le débat avant que le futur ne s’impose au quotidien des hôpitaux.

La Rédaction

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