
Mali : L’État verrouille ses parts dans les mines pour préserver ses intérêts.
Le gouvernement malien vient de franchir une nouvelle étape dans sa stratégie de souveraineté économique. Désormais, l’État détient des participations “non diluables” dans plusieurs sociétés minières, dont certaines sans obligation de contribuer financièrement aux nouveaux investissements. Une révolution silencieuse qui change les règles du jeu dans un secteur stratégique.
Le nouveau Code minier 2023 : une doctrine affirmée
En 2023, les autorités de transition ont adopté un nouveau Code minier qui bouleverse les anciennes pratiques. Ce texte permet à l’État de détenir jusqu’à 35 % des parts dans les projets miniers, contre 20 % auparavant.
La grande nouveauté ? Une partie de ces participations est désormais non diluable. En clair, même si une société augmente son capital pour financer de nouveaux investissements, la part du Mali ne diminue pas. Mieux encore : dans certains cas, l’État n’a pas besoin d’injecter un seul franc supplémentaire pour maintenir sa participation.
Fekola (B2Gold) : un protocole inédit
La mine de Fekola, exploitée par le groupe canadien B2Gold, est la première à intégrer ces nouvelles règles.
Un protocole signé fin 2024 transforme la participation du Mali : ses 10 % d’actions ordinaires deviennent 20 % d’actions de préférence, non diluables et assorties de dividendes prioritaires.
Autrement dit, l’État s’assure une part fixe des bénéfices sans risque de voir sa position affaiblie par les besoins en financement de l’exploitant.
Lithium : Goulamina et Bougouni dans le viseur
Au-delà de l’or, le Mali mise sur un métal stratégique : le lithium, essentiel pour les batteries électriques.
- À Goulamina, projet phare développé par Leo Lithium et Ganfeng Lithium, l’État détient 35 % du capital (10 % gratuits + 25 % à acquérir).
- À Bougouni, une convention similaire a été conclue, confirmant que les projets de lithium entrent pleinement dans la nouvelle politique minière.
Ces mines symbolisent la volonté du Mali de devenir un acteur clé de la transition énergétique mondiale.
Sadiola et Syama : l’or toujours stratégique
Les mines d’or de Sadiola (Allied Gold) et de Syama (Resolute Mining) n’ont pas échappé à cette nouvelle doctrine. Leurs conventions ont été amendées pour inclure la non-dilution et renforcer le rôle de l’État dans la gouvernance.
Là encore, le message est clair : les compagnies étrangères doivent composer avec un État désormais acteur à part entière, et non simple percepteur d’impôts.
Quels enjeux pour le Mali ?
Cette nouvelle approche traduit une volonté assumée :
- Sécuriser les revenus issus des ressources naturelles.
- Renforcer la gouvernance dans un secteur souvent critiqué pour son opacité.
- Créer de la valeur locale, via l’emploi et le contenu local.
Mais des défis subsistent. Les compagnies minières accepteront-elles de jouer le jeu à long terme ? Et comment garantir que les recettes supplémentaires bénéficieront réellement aux Maliens ?
Avec ces clauses de non-dilution, le Mali affirme haut et fort qu’il n’entend plus être un spectateur de l’exploitation de son sous-sol. Le pays transforme ses ressources minières en un véritable levier de souveraineté. Reste désormais à transformer cette victoire juridique en une victoire économique et sociale — celle que les populations attendent depuis des décennies.
La Rédaction