
Mali : Barrick, la mine d’or et le bras de fer du siècle.
Le secteur aurifère malien vit un tournant historique. La multinationale canadienne Barrick Gold, exploitante de la mine de Loulo-Gounkoto (80 % Barrick, 20 % État malien), est désormais au cœur d’un affrontement direct avec Bamako. Entre suspension des activités, mise sous administration provisoire et arbitrage international, ce conflit illustre le bras de fer croissant entre les États africains et les grandes compagnies minières.
Loulo-Gounkoto, une mine stratégique à l’arrêt
Jadis vitrine de l’exploitation aurifère au Mali, le complexe de Loulo-Gounkoto est depuis janvier 2025 à l’arrêt. En toile de fond : l’application du nouveau code minier adopté en août 2023, qui renforce la part de l’État dans les revenus, accroît certaines taxes et réduit les marges des compagnies étrangères.
Barrick conteste plusieurs mesures jugées unilatérales, notamment :
- la saisie de trois tonnes d’or par les autorités ;
- le blocage des exportations depuis novembre 2024 ;
- la fermeture de ses bureaux à Bamako et la détention de certains employés.
Un tribunal malien reprend la main
Le 16 juin 2025, le tribunal de commerce de Bamako a franchi un pas décisif : Loulo-Gounkoto a été placée sous administration provisoire pour six mois. L’ancien ministre Soumana Makadji a été nommé administrateur de la mine.
Pour l’État, cette décision vise à garantir le respect du nouveau code minier et à « sécuriser la souveraineté nationale sur les ressources stratégiques ». Mais pour Barrick, elle constitue une expropriation de facto contraire aux conventions minières signées auparavant.
Un choc financier majeur pour Barrick
La crise n’est pas seulement politique : elle coûte cher.
- La mine a été retirée des prévisions de production 2025 de Barrick.
- Le groupe a enregistré une dépréciation d’environ 1 milliard de dollars liée à la situation malienne.
- La production industrielle aurifère du Mali a plongé de 32 % en glissement annuel, du fait de l’arrêt de Loulo-Gounkoto.
Pour un pays où l’or représente plus de 70 % des exportations, le choc économique est réel.
Entre négociations et arbitrage
En février 2025, un accord de principe avait été trouvé entre Bamako et Barrick : restitution des stocks saisis, libération des employés, reprise progressive des activités. Mais cet accord peine à être appliqué.
En parallèle, Barrick a saisi le Centre international pour le règlement des différends relatifs aux investissements (CIRDI/ICSID), estimant que ses droits contractuels ont été bafoués.
Le gouvernement, de son côté, campe sur une ligne claire : application intégrale du code minier de 2023 et affirmation de sa souveraineté sur les ressources.
Un symbole d’un rapport de force nouveau
Au-delà du cas Barrick, ce bras de fer illustre une tendance lourde en Afrique : les États veulent désormais des partenariats plus équilibrés avec les multinationales minières. Le Mali suit une logique similaire à celle observée en République démocratique du Congo ou en Tanzanie, où les autorités ont imposé de nouveaux cadres plus favorables à l’État.
Dans ce duel entre une multinationale aurifère et un État décidé à reprendre la main, c’est l’avenir du modèle extractif en Afrique qui se joue. Et Loulo-Gounkoto est devenu, malgré elle, l’épicentre de ce bras de fer historique.
La Rédaction