La diaspora devient le premier bailleur du pays au Burkina Faso.
Longtemps perçue comme un réservoir de main-d’œuvre expatriée, la diaspora burkinabè s’impose aujourd’hui comme l’un des piliers économiques les plus fiables du pays. Avec des transferts financiers dépassant parfois ceux de l’aide publique classique, les Burkinabè de l’étranger rejouent la carte du patriotisme économique et rebattent les lignes du financement national.
La diaspora burkinabè n’est pas une petite communauté isolée aux quatre coins du monde : elle représente près de 16 millions de personnes, soit un pays dans le pays.
Et son impact est tout sauf symbolique : selon les chiffres officiels présentés par le ministre des Affaires étrangères, elle contribue désormais à 3 % du PIB national, contre 2,8 % quelques années plus tôt.
Chaque année, les transferts formels dépassent les 200 milliards de FCFA, enregistrés via les canaux légaux de la BCEAO. D’après la Banque mondiale, ces envois ont atteint :
- 614 millions USD (2021)
- 562,9 millions USD (2022)
- 621,1 millions USD (2023)
Des montants qui placent la diaspora non pas comme un acteur parmi d’autres, mais comme une véritable bouée économique pour les ménages, les petites entreprises et parfois même les finances publiques.
Plus généreuse que l’aide publique internationale
L’un des points les plus frappants ressort des comparaisons effectuées au Parlement : selon le ministre, les transferts de la diaspora dépassent l’aide publique au développement que les pays de l’OCDE devraient allouer au Burkina Faso sur les mêmes périodes.
Une affirmation audacieuse, certes, mais soutenue par des données solides. Entre 2015 et 2019, les transferts cumulés ont dépassé 1 000 milliards de FCFA. Et certains exercices budgétaires montrent que ces envois rivalisent, voire surpassent, l’aide publique traditionnelle, en particulier lorsqu’elle connaît des retards ou une régression.
Autrement dit : quand l’aide extérieure hésite, la diaspora, elle, ne tremble pas.
Un soutien multiforme, pas seulement financier
Réduire la diaspora à l’argent serait passer à côté d’une dimension essentielle.
Elle est aussi un acteur social, entrepreneurial et stratégique.
- Investissements directs dans l’immobilier, l’agro-industrie, le commerce.
- Actionnariat populaire, notamment via des participations dans des projets nationaux.
- Soutien patriotique, comme les contributions au Fonds de Soutien Patriotique.
- Transferts de compétences, grâce aux professionnels burkinabè basés dans les universités, hôpitaux ou entreprises internationales.
Selon une étude de l’Organisation internationale pour les migrations (OIM), les contributions immatérielles : expertise, réseaux, innovations ont un impact parfois supérieur à la valeur monétaire envoyée.
L’autre visage du développement
Dans un contexte économique sous tension, où les finances publiques doivent jongler avec des besoins sécuritaires massifs et un ralentissement des appuis extérieurs, la diaspora se révèle être un amortisseur, mais surtout un accélérateur.
Elle ne se contente pas d’aider : elle investit, construit, transmet et stabilise.
Mais son potentiel reste encore sous-exploité. Le défi, désormais, est d’intégrer pleinement cet acteur dans une stratégie économique nationale, avec des mécanismes d’investissement adaptés, des canaux de transfert sécurisés et des cadres d’entrepreneuriat réellement incitatifs.
Derrière chaque billet envoyé depuis Paris, Abidjan, Ouagadougou ou New York, il n’y a pas seulement un geste familial : il y a une contribution à l’économie nationale. Une certitude se dessine donc quand les partenaires internationaux se montrent hésitants, la diaspora, elle, ne décroche jamais.
Au Burkina Faso, le véritable bailleur n’est peut-être pas celui que l’on croit : il vit, travaille et investit… hors des frontières.
La Rédaction



