
Jumia : L’appétit chinois propulse l’e-commerce africain vers la rentabilité.
Lancée en 2012 avec l’ambition de devenir « l’Amazon de l’Afrique », Jumia a longtemps été critiquée pour ses pertes chroniques et son modèle difficilement rentable. Mais en 2025, le vent semble tourner. L’entreprise affiche une nette amélioration de ses résultats financiers, soutenue par un afflux de vendeurs chinois et par une stratégie de recentrage drastique.
Les vendeurs chinois, nouveaux piliers de la croissance
Le tournant majeur de Jumia vient de l’arrivée massive de marchands chinois sur sa plateforme. Ils sont désormais environ 12 000, représentant près d’un tiers des ventes. Leur nombre a bondi de 60 % en un an, preuve d’un intérêt croissant pour le marché africain.
En quête de débouchés hors des États-Unis et de l’Europe, où les barrières douanières se multiplient, les exportateurs chinois trouvent en Afrique une alternative prometteuse. Pour Jumia, cette tendance élargit l’offre disponible, améliore la compétitivité des prix et séduit de nouveaux clients, surtout les jeunes urbains.
Revenus en hausse, pertes en baisse
Les résultats du deuxième trimestre 2025 illustrent cette dynamique. Les revenus atteignent 45,6 millions de dollars, en progression de 25 % par rapport à l’an dernier, dépassant les attentes des analystes.
Mieux encore, les pertes se réduisent : la perte ajustée (EBITDA) recule à -13,6 millions USD contre -16,3 millions l’année précédente, tandis que la perte avant impôts tombe à -16,3 millions USD, contre -22,5 millions auparavant.
Certes, l’entreprise n’est pas encore rentable, mais elle démontre une capacité croissante à contenir ses coûts.
Un recentrage stratégique sous Francis Dufay
Depuis 2022, sous la direction de Francis Dufay, Jumia a profondément revu sa stratégie. Fini les activités jugées secondaires comme la livraison de repas ou les courses quotidiennes. Place au cœur de métier : le commerce en ligne.
Autres mesures fortes :
- Retrait de plusieurs marchés jugés peu porteurs, pour se concentrer sur neuf pays stratégiques.
- Rationalisation des effectifs et réduction drastique des dépenses marketing.
- Optimisation de la logistique pour réduire les délais de livraison et les coûts.
Ce virage permet à l’entreprise de stabiliser ses opérations et de donner une trajectoire plus claire aux investisseurs.
Rentabilité en ligne de mire… mais défis persistants
Jumia vise un objectif ambitieux : atteindre l’équilibre financier d’ici 2027. Une cible crédible, selon plusieurs analystes, si la tendance actuelle se confirme.
Mais des obstacles subsistent :
- La concurrence féroce de géants comme Temu et Shein, qui inondent l’Afrique de produits à bas prix.
- Les faiblesses structurelles des infrastructures (routes, réseaux de paiement, logistique) qui pèsent sur les coûts.
- La volatilité des monnaies locales, qui peut effacer une partie des gains une fois les résultats convertis en dollars.
En s’adossant à la puissance exportatrice de la Chine et en resserrant son modèle, Jumia semble avoir trouvé la bonne équation. La rentabilité n’est pas encore atteinte, mais l’entreprise a quitté la zone du doute permanent. À l’horizon 2027, l’Afrique pourrait bien tenir son premier champion e-commerce rentable. Reste à voir si la vague chinoise sera une planche de salut durable… ou un mirage passager.
La Rédaction