Jeux de l’AES : un levier économique pour la coopération sahélienne.

Du 21 au 28 juin 2025, Bamako a accueilli la première édition des Jeux de l’Alliance des États du Sahel (AES), une compétition multisports réunissant le Mali, le Burkina Faso et le Niger. Si l’événement s’inscrit dans une dynamique géopolitique régionale, il constitue aussi un pari économique inédit dans un espace confronté à d’importants défis de développement.
Une vitrine sportive au service d’une intégration économique
La tenue de ces jeux dans la capitale malienne est bien plus qu’un simple rendez-vous sportif. Elle traduit la volonté des autorités de l’AES de positionner le sport comme vecteur de développement économique, de cohésion sociale et d’intégration régionale. Huit disciplines — dont le football U17, la lutte traditionnelle et plusieurs arts martiaux — ont permis de mobiliser des milliers de participants, officiels, spectateurs et opérateurs économiques dans une zone sahélienne en quête de stabilité.
En misant sur un événement d’envergure, les pays de l’AES ont voulu démontrer leur capacité à organiser un projet commun, en dehors des mécanismes habituels d’intégration comme ceux de la CEDEAO, qu’ils ont quittée début 2025. Cela marque le début d’une diplomatie sportive à dimension économique, où les dépenses publiques ciblées deviennent un outil d’affirmation politique et de stimulation des échanges.
Retombées locales et opportunités économiques
À Bamako, plusieurs secteurs ont bénéficié directement des jeux. L’hôtellerie, la restauration, le transport urbain et les services événementiels ont connu un regain d’activité durant la semaine de compétitions. Selon les premières estimations d’acteurs locaux, les recettes générées par les réservations, les flux de visiteurs et les marchés de rue auraient permis d’injecter plusieurs centaines de millions de FCFA dans l’économie urbaine.
De plus, l’événement a permis de stimuler l’emploi temporaire, notamment chez les jeunes, dans la logistique, la sécurité, le nettoyage ou l’accompagnement des délégations. Ce type de mobilisation offre un terrain d’expérimentation pour les futures politiques d’emplois dans les États membres, en lien avec les grands événements publics.
Vers une économie sahélienne structurée autour du sport ?
Derrière la réussite logistique et symbolique de cette première édition se profile un enjeu de structuration économique régionale. L’AES envisage de faire des jeux un rendez-vous périodique, en alternance entre les trois pays. Cela impliquerait à moyen terme la création de filières sportives professionnalisées, d’infrastructures dédiées et d’un tissu économique capable d’accompagner la montée en puissance d’un sport « made in Sahel ».
Des partenariats publics-privés pourraient également voir le jour pour répondre aux besoins en équipements, formations, retransmissions ou sponsoring. À plus long terme, cette dynamique pourrait contribuer à diversifier les économies sahéliennes, encore largement dépendantes des matières premières.
Un message d’unité… et d’ambition
Au-delà de l’aspect technique, les premiers Jeux de l’AES envoient un signal : les États du Sahel veulent investir dans des outils communs de développement. Le sport devient ici un levier pour repenser l’investissement régional, dans un contexte de transition politique et de redéfinition des alliances stratégiques.
En conjuguant diplomatie sportive, investissement public et mobilisation de la jeunesse, l’AES entend poser les fondations d’un espace économique intégré, à l’image de ses ambitions politiques. Si la dynamique se confirme, le sport pourrait bien devenir un facteur clé de croissance et de stabilité dans la région sahélienne.
Y.Berthé