Dette africaine : Un panel d’experts presse le G20 de créer un mécanisme inédit de refinancement.
À quelques jours du sommet du G20 en Afrique du Sud, un panel d’experts africains appelle les grandes économies à lancer un nouveau mécanisme de refinancement de la dette, spécifiquement dédié aux pays à faible revenu. L’initiative, soutenue par un rapport présenté à Johannesburg, insiste sur la nécessité de passer d’une logique de simples reports d’échéances à une véritable stratégie de refinancement utilisant des ressources du FMI et des partenaires internationaux.
Un appel lancé depuis Johannesburg, à la veille du G20
Un panel d’experts africains a rendu public, à Johannesburg, un rapport dans lequel il exhorte le G20 à mettre en place un mécanisme de refinancement inédit de la dette des pays à faible revenu.
Selon une dépêche de Reuters, ce rapport est publié à quelques jours du sommet du G20 en Afrique du Sud et vise à replacer la question de la dette africaine au cœur de l’agenda international.
Le panel a été constitué à l’initiative de l’Afrique du Sud dans le cadre de sa présidence du G20. D’après les autorités sud-africaines, cette instance – baptisée G20 Africa Expert Panel – a pour mandat de formuler des propositions concrètes pour défendre les priorités africaines en matière de dette, de financement du développement et de réforme de l’architecture financière internationale.
Un mécanisme centré sur le refinancement, pas seulement le report des paiements
Le cœur de la proposition tient en une idée : remplacer la logique du moratoire par celle du refinancement. Le panel recommande au G20, en partenariat avec le FMI et d’autres institutions, de mettre en place une initiative de refinancement permettant aux pays surendettés :
- d’échanger leurs dettes les plus coûteuses contre des financements à des conditions plus favorables ;
- de remplacer des obligations à taux élevé par des instruments plus longs et moins onéreux ;
- de mobiliser des données et outils de marché pour organiser ces opérations sur une base coordonnée, plutôt qu’au cas par cas.
Contrairement à des dispositifs comme l’ancienne Initiative de suspension du service de la dette (DSSI), qui consistait surtout à différer les paiements, l’approche proposée met l’accent sur la réduction effective du coût de la dette et sur la gestion active du passif.
Des sources de financement ciblées : DTS et or du FMI
Pour financer ce mécanisme, le panel identifie plusieurs leviers.
Selon Reuters, le rapport évoque notamment :
- une utilisation plus ambitieuse des droits de tirage spéciaux (DTS) du FMI ;
- la possibilité d’envisager la vente d’une partie des réserves d’or du FMI, si les actionnaires du G20 y consentent ;
- la création d’un fonds spécial ou de véhicules dédiés, capables de racheter des dettes existantes pour les refinancer à meilleur coût.
L’idée est de mettre à disposition des pays vulnérables un outil de gestion proactive de la dette, et pas seulement un espace de négociation sur les calendriers de remboursement.
Une réponse à l’échec relatif du “Cadre commun”
Le rapport du panel s’inscrit aussi en réaction aux limites du “Cadre commun” du G20, mis en place en 2020 après la pandémie.
D’après l’analyse relayée par Sika Finance, le panel souligne que les restructurations engagées dans ce cadre – notamment celles du Ghana et de la Zambie – ont pris des années à aboutir, alors même que les besoins de financement restaient urgents.
Plusieurs observateurs, dont des médias spécialisés dans les questions de dette africaine, estiment que :
- les procédures sont trop lentes,
- la coordination entre créanciers officiels et privés reste insuffisante,
- et les États endettés ont peu de marge pour peser dans la négociation.
C’est précisément ce déséquilibre que le panel souhaite corriger en proposant un dispositif plus rapide, plus prévisible et davantage orienté vers le refinancement de marché, appuyé par des ressources concessionnelles.
Un “club des emprunteurs” pour renforcer la voix de l’Afrique
Au-delà de l’outil financier, le panel formule une proposition politique forte : la création d’un “club des emprunteurs”.
Selon Sika Finance et plusieurs médias internationaux qui ont eu accès au rapport, ce club aurait pour vocation de :
- coordonner les positions des pays endettés dans les discussions internationales ;
- renforcer leur pouvoir de négociation face aux créanciers publics et privés ;
- porter un plaidoyer commun pour une réforme de l’architecture de la dette souveraine, afin de mieux distinguer les problèmes de liquidité de ceux de solvabilité, et de prendre en compte l’ensemble des dettes, internes comme externes.
Ce club serait, en quelque sorte, le miroir de ce qui existe déjà pour les créanciers (comme le Club de Paris), mais du côté des emprunteurs.
L’Union africaine en soutien, mais des incertitudes sur le calendrier
Le panel ne parle pas dans le vide.
Selon Sika Finance, l’Union africaine soutient déjà l’idée de créer un mécanisme spécifique de refinancement de la dette, dans le prolongement de ses prises de position en faveur d’une réforme de la finance mondiale plus favorable au continent.
Mais plusieurs inconnues demeurent :
- le degré d’adhésion des grandes économies du G20,
- la position de certains États clés des sources proches des discussions soulignent par exemple la réticence des États-Unis à s’engager sur des mesures jugées trop ambitieuses ;
- le calendrier de mise en œuvre, alors que les besoins de refinancement de nombreux pays africains vont atteindre un pic dans les cinq prochaines années.
Pendant ce temps, la réalité est implacable : pour un nombre croissant d’États africains, la dette redevient un frein majeur au développement, absorbant une part inquiétante des recettes publiques.
En appelant le G20 à lancer un mécanisme inédit de refinancement de la dette, le panel d’experts africains tente de déplacer le débat : il ne s’agit plus seulement de “gagner du temps”, mais de changer les règles du jeu. Reste à voir si les grandes puissances accepteront de transformer ce rapport en véritable outil, ou si la dette africaine continuera d’être traitée par petites touches, au risque de prolonger un statu quo devenu, lui aussi, insoutenable.
La Rédaction


