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Banques et États : Une dangereuse promiscuité dans les pays en développement.

Les banques détiennent 16 % de leurs actifs en dette publique, un record en dix ans !

C’est un chiffre qui en dit long sur la santé financière du Sud global. Selon une récente analyse de la Banque mondiale, les banques des pays en développement détiennent désormais 16 % de leurs actifs sous forme de dette publique, soit leur plus haut niveau depuis une décennie.
Une situation qui, sur le papier, paraît anodine : après tout, les banques investissent dans leurs propres obligations d’État, perçues comme sûres.
Mais derrière ce chiffre se cache une dépendance grandissante entre les systèmes bancaires et les finances publiques, une relation que la Banque mondiale qualifie de “nexus souverain-bancaire”, autrement dit une interconnexion à haut risque.


Des banques devenues les premiers créanciers des États

Dans la plupart des économies africaines, asiatiques ou latino-américaines, les gouvernements se tournent vers leurs banques nationales pour financer leurs besoins budgétaires. Celles-ci, de leur côté, préfèrent souvent acheter des obligations d’État plutôt que d’accorder des crédits aux entreprises, jugées plus risquées.
Résultat : les banques se transforment en bras financiers des États, concentrant une part croissante de leurs ressources dans des titres publics.

« Cette tendance, amorcée après les crises de 2014 et de la pandémie, a atteint un sommet inédit depuis dix ans », observe un rapport de la Banque mondiale.
Ce mouvement s’explique aussi par la hausse des taux d’intérêt mondiaux, qui rend les obligations publiques plus attractives, et par la faible demande de crédit privé dans des économies ralenties.


Un équilibre fragile entre rentabilité et risque

Sur le court terme, ces placements sont rentables. Les obligations d’État offrent des rendements stables, garantis, et permettent aux banques de sécuriser leurs bilans.
Mais à long terme, la situation devient périlleuse : si un État connaît des difficultés à rembourser, c’est tout le système bancaire qui se retrouve fragilisé.

Ce scénario n’a rien de théorique. Des pays comme le Ghana ou le Liban ont déjà subi de plein fouet ce cercle vicieux : lorsque la dette publique devient insoutenable, les banques principales détentrices de cette dette enregistrent des pertes massives, mettant en péril la stabilité financière nationale.

« Les banques et les États sont désormais liés comme les deux faces d’une même pièce », résume un économiste du Groupe Banque mondiale. « Le risque, c’est que lorsque l’un vacille, l’autre chute avec lui. »


L’effet d’éviction : quand les PME paient le prix

Cette dépendance a aussi un coût économique majeur : elle assèche le financement du secteur privé.
En préférant prêter aux États, les banques réduisent les crédits destinés aux PME, aux jeunes entreprises et aux secteurs productifs.
Conséquence : moins d’investissements, moins de croissance, et une économie de plus en plus dépendante des emprunts publics.

Selon les analystes, ce phénomène, appelé “effet d’éviction”, touche désormais la majorité des pays africains à revenu intermédiaire.
« Chaque fois qu’une banque achète un titre d’État, c’est un prêt à une entreprise locale qui disparaît », résume un économiste de la Banque africaine de développement.


Une leçon pour les gouvernements : diversifier les financements

Pour sortir de cette dépendance mutuelle, la Banque mondiale recommande de diversifier les sources de financement : attirer les capitaux étrangers, dynamiser les marchés financiers régionaux, et développer des instruments innovants comme les obligations vertes ou les partenariats public-privé.
Car tant que les banques serviront de guichet automatique à leurs États, la stabilité financière restera fragile, et les marges de manœuvre économiques limitées.


Un risque qui gronde sous le vernis de stabilité

Avec 16 % des actifs bancaires concentrés dans la dette publique, les pays en développement flirtent avec une zone de vulnérabilité.
Ce lien étroit entre États et banques peut sembler confortable tant que tout va bien. Mais dans un contexte de dette record et de croissance atone, il suffit d’un choc politique, économique ou géopolitique pour que l’équilibre se rompe.

Les banques prêtent à l’État, l’État s’endette auprès des banques : le serpent se mord la queue. Et tant que ce cycle perdure, la stabilité financière du Sud reste suspendue à un fil.

La Rédaction

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