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Afreximbank – ICIEC : Un tandem finance + assurance pour muscler le commerce arabo-africain.

Entre l’Afrique et le monde arabe, le potentiel commercial est immense mais encore largement sous-exploité. Les grands discours sur la coopération Sud-Sud se succèdent, les forums économiques aussi, mais de nombreux projets restent bloqués sur un point précis : le risque. Risque pays, risque politique, risque de non-paiement, manque de garanties solides.

C’est précisément sur ce maillon faible qu’entendent agir Afreximbank et l’ICIEC, qui ont conclu un accord de coopération pour stimuler le commerce et l’investissement entre les pays arabes et africains.


Deux institutions clés au service d’un même objectif

L’accord prend la forme d’un mémorandum d’entente signé au Caire entre deux acteurs majeurs.

D’un côté, Afreximbank, la Banque africaine d’import-export, devenue en quelques années un pilier du financement du commerce sur le continent.

De l’autre, l’ICIEC, la Société islamique d’assurance des investissements et des crédits à l’exportation, bras assurantiel de la Banque islamique de développement, spécialisée dans l’assurance crédit export et la couverture du risque politique conforme à la charia.

Les deux institutions affichent un objectif clair : faire sauter le verrou du risque qui freine de nombreux projets entre pays arabes et africains. Concrètement, l’accord vise à stimuler les flux commerciaux, à renforcer les investissements croisés et à partager les risques afin de rassurer banques, investisseurs et exportateurs.


Co-garanties et assurances, le cœur du dispositif

Ce partenariat ne se limite pas à une déclaration d’intention. Il s’appuie sur des outils opérationnels.

Première brique : les co-garanties et la co-assurance.

ICIEC apporte son expertise en assurance crédit export et en couverture du risque politique, notamment contre l’expropriation, les restrictions de transfert ou les tensions sécuritaires. Afreximbank mobilise ses lignes de trade finance, ses garanties et ses instruments de financement du commerce.

L’idée est simple. Un projet jugé trop risqué pour une seule institution devient finançable lorsque le risque est partagé et assuré.

Deuxième brique : le financement du commerce arabo-africain.

L’accord prévoit la structuration conjointe de lignes de crédit pour les banques actives sur le corridor arabo-africain, de garanties de paiement pour les exportateurs et de produits liés aux lettres de crédit. Les secteurs ciblés sont l’énergie, l’agroalimentaire, le BTP, l’industrie manufacturière et les biens d’équipement, qui représentent l’ossature potentielle des échanges entre les deux blocs.


Investissements stratégiques : énergie, infrastructures et sécurité alimentaire

Au-delà du commerce au sens strict, l’accord entre Afreximbank et l’ICIEC vise aussi des projets d’investissement de plus grande ampleur.

Les domaines prioritaires sont clairement identifiés : les énergies, les infrastructures de transport et de logistique, la transformation industrielle et la sécurité alimentaire, via des projets agro-industriels et logistiques entre Afrique et monde arabe.

Sur ce type de projets, le schéma est souvent le même. Afreximbank intervient sur le financement à long terme et l’ingénierie financière, pendant qu’ICIEC couvre une partie du risque pays et du risque de non-paiement. Cette combinaison facilite la mobilisation de banques commerciales et d’investisseurs privés.

Dans un environnement où la perception du risque africain reste souvent exagérée, ce type de mécanisme peut faire basculer un projet du statut de “trop risqué” à celui de “bancable”.


Information, données et ZLECAf en toile de fond

Un autre volet important du partenariat concerne le partage d’information.

L’accord prévoit la mise en commun d’outils numériques et de plateformes d’information sur les marchés, l’échange de données sur les risques pays, les régulations et les opportunités sectorielles, ainsi que des actions conjointes de sensibilisation et de formation à destination des banques et des entreprises.

Cet axe n’est pas anecdotique. De nombreux exportateurs africains ou arabes renoncent à des projets faute de visibilité sur la réglementation locale, les délais administratifs, les risques juridiques ou la solvabilité des contreparties.

En arrière-plan, l’accord s’inscrit dans la dynamique de la Zone de libre-échange continentale africaine (ZLECAf), que soutient activement Afreximbank, et dans le programme Arab-Africa Trade Bridges (AATB), qui cherche à densifier les échanges entre Afrique et monde arabe.


Un corridor arabo-africain encore loin de son potentiel

Si Afreximbank et l’ICIEC misent autant sur ce partenariat, c’est parce qu’il existe un écart massif entre le potentiel du corridor arabo-africain et la réalité des flux.

Les analyses reprises par les deux institutions montrent que les échanges entre les deux blocs restent faibles au regard de la proximité géographique et des complémentarités économiques. Une partie importante des besoins de financement et de garanties demeure non couverte, faute d’outils adaptés ou de structures de partage de risque suffisamment étoffées.

Pour les pays africains, ce partenariat représente également une opportunité de diversifier leurs partenaires financiers, dans un contexte où le financement en dollar est devenu plus rare et plus coûteux, où les marchés internationaux se montrent plus frileux vis-à-vis du risque souverain africain et où la recherche de solutions Sud-Sud prend de l’importance.


De la diplomatie des déclarations à l’ingénierie du risque

Derrière les grands discours sur la coopération arabo-africaine, l’accord entre Afreximbank et l’ICIEC rappelle une réalité simple. Sans gestion fine du risque, les meilleures intentions restent au stade de communiqué.

En réunissant une banque panafricaine de commerce et un assureur multilatéral spécialisé dans le risque export, ce partenariat cherche à faire passer la relation arabo-africaine d’un registre essentiellement diplomatique à une ingénierie financière et assurantielle concrète.

La différence se mesurera moins au nombre de forums organisés qu’à la capacité réelle à financer une usine agro-industrielle entre Afrique de l’Ouest et Moyen-Orient, à sécuriser un projet logistique entre Afrique du Nord et Afrique subsaharienne ou à couvrir les risques d’un investisseur qui hésite encore.

Si Afreximbank et l’ICIEC parviennent à transformer cet accord en projets visibles et en flux mesurables, le corridor arabo-africain pourra enfin sortir du registre du potentiel pour entrer dans celui des résultats.

La Rédaction

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