Mali : L’État met en vente une tonne d’or de Loulo-Gounkoto pour relancer la mine.

Le complexe minier Loulo-Gounkoto, exploité par le géant canadien Barrick Mining, traverse l’une des périodes les plus critiques de son histoire au Mali. Face à l’arrêt quasi total de ses activités depuis plus de six mois, les autorités maliennes ont autorisé la vente d’une tonne d’or issue du stock existant afin de financer la reprise de la production.
Estimée à environ 107 millions de dollars, cette opération permettra de couvrir les salaires impayés, d’acheter le carburant nécessaire au redémarrage de l’usine, et de régler les dettes envers les sous-traitants locaux, dans un contexte de forte pression sociale et économique autour du site.
Une reprise partielle mais fragile
L’usine a officiellement redémarré ses activités au début du mois de juillet 2025, après avoir été placée sous administration judiciaire par décision du tribunal de grande instance de Bamako le 16 juin dernier. C’est Zoumana Makadji, expert-comptable et ancien ministre de la Santé, qui a été nommé administrateur provisoire de la mine par les autorités.
Toutefois, malgré cette relance, la production reste très limitée. Plusieurs sources internes estiment qu’il faudra au moins 4 mois pour retrouver un rythme opérationnel normal, un délai qui pourrait encore s’allonger en raison du départ de nombreux expatriés et du manque d’accès aux systèmes techniques de Barrick, désormais restreints.
Un conflit juridique et fiscal en toile de fond
La crise trouve son origine dans l’application du nouveau code minier adopté en 2023 par le Mali. Ce texte vise à renforcer la souveraineté économique du pays en augmentant la part de l’État dans les revenus miniers et en alourdissant la fiscalité des opérateurs étrangers. Barrick juge cette réforme rétroactive et contraire aux conventions internationales signées avec l’État malien.
En janvier 2025, le gouvernement malien avait bloqué les exportations de Barrick et saisi trois tonnes d’or, déclenchant un bras de fer qui perdure. L’entreprise canadienne a depuis déposé un recours en arbitrage international, estimant que ses droits contractuels sont violés.
Une mine stratégique pour Barrick et pour le Mali
Le site de Loulo-Gounkoto n’est pas une mine comme les autres. Il représente le deuxième actif le plus rentable de Barrick après sa mine du Nevada. Sa contribution aux résultats du groupe est suffisamment importante pour que Barrick ait décidé, en juin, de retirer Loulo-Gounkoto de ses prévisions de production 2025, signe d’un pessimisme profond sur l’évolution du différend.
Du côté malien, Loulo-Gounkoto est également un atout stratégique. Dans un pays où l’or représente plus de 70 % des recettes d’exportation, la maîtrise de ses gisements devient une priorité politique et économique. La décision de vendre une tonne d’or constitue un acte fort, mais également un signal de défiance vis-à-vis de l’opérateur privé.
Une incertitude juridique sur l’avenir du site
La situation est d’autant plus complexe que le permis d’exploitation actuel expire en février 2026. Depuis quatre mois, Barrick attend une réponse à sa demande de renouvellement, qui reste sans suite. L’absence de clarification alimente les spéculations autour d’une possible renationalisation du site, ou d’un changement de partenaire industriel à court terme.
Contexte régional : vers une souveraineté minière accrue ?
Le conflit malien s’inscrit dans une tendance régionale plus large. Au Mali, au Niger et au Burkina Faso, les régimes militaires multiplient les initiatives de reprise en main du secteur minier, portés par la flambée des cours de l’or, qui ont atteint 3 500 dollars l’once en avril 2025.
Par contraste, des pays comme le Ghana ou la Côte d’Ivoire adoptent des approches plus institutionnelles : hausse progressive des redevances, amélioration de la gouvernance, et mise en place de structures nationales de régulation comme le GoldBod ghanéen, chargé de centraliser le commerce de l’or.
Quel avenir pour Loulo-Gounkoto ?
La vente imminente d’une partie du stock d’or de Loulo-Gounkoto pourrait créer un précédent lourd de conséquences pour l’attractivité minière de la région. Elle marque une ingérence directe de l’État dans la gestion d’un actif officiellement toujours sous licence d’un opérateur privé international.
Si cette action vise à garantir la souveraineté économique du Mali, elle pose aussi la question du climat des affaires, de la sécurité juridique des investissements, et de la capacité du pays à attirer de nouveaux partenaires miniers à l’avenir.
La Rédaction