Mali : L’État reprend la main sur les mines d’or de Yatela et Morila.

Le gouvernement malien a officialisé la reprise des mines d’or de Yatela et Morila, deux sites jusque-là à l’abandon après le retrait de groupes miniers étrangers. Cette opération s’inscrit dans une stratégie plus large de reconquête des ressources naturelles par l’État, une orientation assumée par les autorités depuis les coups d’État militaires de 2020 et 2021.
Une volonté politique affichée
Deuxième producteur d’or en Afrique avec environ 65 tonnes extraites chaque année, le Mali tire plus de 70 % de ses recettes d’exportation du secteur aurifère. La relance de ces deux sites historiques vise à affirmer une souveraineté minière plus forte, en rompant avec le modèle de dépendance vis-à-vis des multinationales. Le pays souhaite désormais devenir acteur direct de l’exploitation, via la SEMOS (Société d’exploitation des ressources minérales du Mali), nouvellement créée pour piloter ces projets.
Cependant, peu d’informations ont été communiquées sur le financement, les partenaires techniques ou la stratégie industrielle prévue. Un flou qui interroge, d’autant que les deux mines ont été abandonnées en raison de leur faible rentabilité ou de leur impact environnemental élevé.
Des sites miniers à relancer… et à nettoyer
Yatela, opérée jusqu’en 2016 par AngloGold Ashanti et IAMGOLD, a été fermée malgré la présence de réserves. Le coût d’exploitation était alors jugé trop élevé. Morila, elle, avait été reprise par l’entreprise australienne Firefinch, avant d’être de nouveau fermée en 2022, laissant derrière elle des pollutions importantes et un site partiellement épuisé.
Malgré les discours optimistes du gouvernement évoquant des “actifs à revaloriser”, les défis sont nombreux : remise en état des sites, sécurité environnementale, gestion des attentes locales et redémarrage technique des opérations.
Vers un modèle extractif nationalisé
La reprise de Yatela et Morila intervient dans un contexte régional où plusieurs pays du Sahel, dont le Burkina Faso et le Niger, ont engagé une renégociation des contrats miniers, et restreignent progressivement la place des intérêts occidentaux au profit de nouveaux partenariats, notamment russes ou turcs.
Au Mali, ce tournant s’est concrétisé par l’augmentation des impôts sur les sociétés minières, la révision de contrats, et récemment la prise de contrôle de la mine de Loulo-Gounkoto, jusqu’ici exploitée par le géant canadien Barrick Gold. Ce bras de fer avec un leader mondial du secteur illustre l’ambition de Bamako, mais fait naître le risque d’un retrait massif des investisseurs étrangers, pourtant nécessaires au développement minier.
Un pari sur l’or… et sur le temps
Le Mali mise sur un prix de l’or historiquement élevé, porté par les tensions géopolitiques mondiales. Mais relancer une mine ne s’improvise pas : coûts importants, délais longs, contraintes environnementales et besoin d’expertise technique restent des obstacles majeurs.
Avec cette reprise, l’État entend construire un modèle extractif plus souverain, mais le chantier reste complexe et incertain.
Y.Berthé