Mali – Or : L’État place sous administration provisoire la mine Loulo-Gounkoto de Barrick Gold.

Nouveau tournant dans le bras de fer entre l’État malien et la multinationale canadienne Barrick Gold. Le Tribunal de commerce de Bamako a ordonné, le lundi 16 juin 2025, le placement sous administration provisoire pour une durée de six mois du complexe minier Loulo-Gounkoto, jusque-là opéré par Barrick à 80 %. Une décision qui marque un durcissement dans un conflit judiciaire et fiscal envenimé depuis plusieurs mois.
Une décision de justice inédite
C’est par un jugement sans appel que la justice malienne a retiré temporairement à Barrick le contrôle opérationnel de l’un des sites aurifères les plus productifs d’Afrique de l’Ouest. Désormais, c’est Zoumana Makadji, ancien ministre malien de la Santé, qui assurera le rôle d’administrateur provisoire. Il aura pour mission, selon l’ordonnance du tribunal, de “relancer les activités d’extraction d’or et préserver les intérêts économiques du Mali”.
Cette décision survient après plusieurs mois de tensions entre la compagnie canadienne et les autorités de transition. Depuis janvier 2025, le complexe de Loulo-Gounkoto était à l’arrêt, suite à un blocus administratif, à la saisie de trois tonnes d’or sur le site et à l’interdiction d’exportation imposée par le gouvernement malien.
Un différend fiscal au cœur du conflit
À l’origine de cette situation : un contentieux fiscal lié à l’application du nouveau code minier adopté en 2023. Bamako accuse Barrick de ne pas s’acquitter pleinement de ses obligations fiscales, en particulier sur les royalties et impôts sur les sociétés. La multinationale conteste ces accusations, estimant qu’elle respecte ses engagements selon les conventions minières précédemment signées.
En réponse, Barrick Gold a engagé une procédure d’arbitrage international devant le CIRDI (Centre international pour le règlement des différends relatifs aux investissements). Parallèlement, elle a indiqué son intention de contester en justice la mesure d’administration provisoire décidée par le Mali.
Des enjeux économiques majeurs
Le complexe Loulo-Gounkoto représente près de 14 % de la production annuelle mondiale de Barrick, soit environ 1 million d’onces d’or par an. Sa mise sous tutelle constitue un coup dur pour la compagnie canadienne, dont la présence au Mali remonte à plus de 25 ans.
Du côté de l’État malien, cette mesure s’inscrit dans une volonté affirmée de reprendre le contrôle stratégique sur les ressources naturelles. Dans un contexte où la refonte du secteur minier est devenue une priorité, les autorités assurent vouloir “protéger les intérêts souverains du peuple malien”.
Et après ?
L’administration provisoire court jusqu’au 16 décembre 2025, période durant laquelle le tribunal évaluera les avancées dans la gestion de la mine et l’état des discussions entre les parties. En attendant, la tension reste vive. Selon plusieurs sources, plusieurs employés expatriés de Barrick seraient toujours retenus sur le territoire malien, ce que la société juge comme un moyen de pression inacceptable.
Cette affaire, qui mêle justice, géopolitique et enjeux économiques, pourrait bien avoir des conséquences durables sur l’attractivité du Mali auprès des investisseurs étrangers, notamment dans le secteur minier.
Y.Berthé