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Cédéao-AES : Moscou plaide pour la coopération entre blocs ouest-africain.

Lors de la deuxième Conférence ministérielle du Forum de partenariat Russie-Afrique, qui s’est tenue au Caire en décembre 2025, la Russie a lancé un appel explicite à renforcer la coopération entre la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (Cédéao) et l’Alliance des États du Sahel (AES), deux organisations régionales dont les relations sont aujourd’hui marquées par des tensions et des ruptures historiques.

Cet appel intervient à un moment délicat pour l’intégration régionale en Afrique de l’Ouest, avec des réalités politiques et sécuritaires qui obligent les acteurs à repenser leurs partenariats traditionnels et leurs lignes de coopération.


Un contexte de fractures et de recompositions

La Cédéao, longtemps considérée comme le cadre principal de coopération politique, économique et sécuritaire en Afrique de l’Ouest, a vu certains de ses membres quitter l’organisation. En 2025, le Mali, le Burkina Faso et le Niger ont formé l’Alliance des États du Sahel (AES), après leur retrait progressif du bloc ouest-africain, dans un contexte de coup d’État et de désaccords avec la direction stratégique de la Cédéao.

Ce divorce institutionnel a créé des tensions politiques durables. Toutefois, malgré ces ruptures, l’urgence de répondre collectivement à des défis partagés, notamment le terrorisme, l’insécurité transfrontalière et les difficultés socio-économiques, pousse à repenser les modes de coopération régionale.


Moscou appelle au dialogue pragmatique

Face à cette configuration, la diplomatie russe, représentée par le ministre des Affaires étrangères Sergueï Lavrov, a plaidé pour un « dialogue pragmatique et mutuellement bénéfique » entre la CEDEAO et l’AES.

Selon Moscou, un rapprochement entre les deux blocs pourrait permettre d’identifier des réponses communes aux défis sécuritaires et politiques qui affectent l’Afrique de l’Ouest, en particulier la lutte contre le terrorisme et l’insécurité dans l’espace sahélo-saharien.

Cet appel reflète aussi une logique diplomatique plus large de la Russie dans la région : se positionner comme un facilitateur de dialogue entre acteurs africains, tout en consolidant son rôle de partenaire stratégique auprès des États sahéliens membres de l’AES.


Un rôle de médiateur dans un contexte complexe

La proposition russe s’inscrit dans un contexte géopolitique particulier :

  • la Russie est devenue un partenaire majeur des pays de l’AES, notamment dans les domaines militaire et sécuritaire, après le retrait des troupes et des accords traditionnels avec d’anciennes puissances extérieures.
  • La CEDEAO, pour sa part, a montré, dans certaines occasions, une volonté de maintenir un dialogue avec les autorités sahéliennes, notamment à travers l’admission des trois pays comme membres non-Cédéao d’organes spécialisés du bloc, comme le Groupe intergouvernemental d’action contre le blanchiment d’argent (GIABA).

Ces gestes suggèrent que, même en l’absence d’un cadre institutionnel unifié, il existe des ponts potentiels de coopération, notamment lorsque l’enjeu sécuritaire l’exige.


Enjeux et limites

L’appel russe a reçu un écho diplomatique certain, car il correspond à une préoccupation partagée : la crise sécuritaire transfrontalière au Sahel et dans une partie de l’Afrique de l’Ouest. Toutefois, plusieurs éléments montrent les complexités d’un tel rapprochement :

  • la Cédéao et l’AES restent marquées par des positions politiques divergentes, alimentées par des ruptures institutionnelles et des désaccords sur les modèles de gouvernance régionale ;
  • les partenaires externes comme la Russie cherchent à jouer un rôle, mais doivent aussi naviguer entre des intérêts régionaux variés et parfois contradictoires.

Une convergence possible autour des défis communs

Pour de nombreux observateurs, l’appel russe ne reflète pas seulement une posture diplomatique : il met en lumière une réalité géostratégique essentielle. Face à l’ampleur des défis sécuritaires et économiques, l’espace ouest-africain pourrait avoir intérêt à restituer certaines passerelles de coopération, même si les cadres institutionnels diffèrent.

Ce type de coopération, qu’il soit direct ou indirect, pourrait renforcer la capacité régionale à répondre à des crises qui n’épargnent aucun bloc institutionnel, qu’il s’agisse de terrorisme, de trafics transnationaux ou de défis climatiques et socio-économiques.


Dans un monde où les clivages régionaux semblent se durcir, l’appel de Moscou à rapprocher Cédéao et AES rappelle que les crises dépassent souvent les frontières des institutions. Si les divergences politiques restent réelles, le terrain des défis quotidiens sécurité, croissance, paix invite à une coopération pragmatique plutôt qu’à l’exclusion mutuelle. Et dans cette logique, l’Afrique de l’Ouest pourrait bien redessiner ses équilibres, non pas autour des ruptures, mais autour des ponts capables de répondre aux enjeux qui menacent l’avenir de tous.

La Rédaction

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