Mesurer le progrès autrement : L’ONU ouvre la voie à un indicateur qui dépasse le PIB.
Le Produit intérieur brut (PIB) règne depuis plus de 80 ans comme la boussole du développement économique. Mais pour les Nations unies, cette domination touche à sa limite. Face aux défis de l’inégalité, du changement climatique et du bien-être des populations, l’organisation internationale prépare un chantier historique : créer un nouvel indicateur global de progrès, capable de refléter la réalité humaine derrière les chiffres.
Un virage majeur, posé noir sur blanc dans le cadre du Pacte for the Future adopté par les États membres.
Un mandat clair : dépasser le PIB, sans le remplacer
En mai 2025, le Secrétaire général de l’ONU a officiellement nommé un Groupe d’experts de haut niveau « Beyond GDP », chargé de proposer un cadre de mesure du progrès plus complet et plus fiable.
Leur mission : imaginer des indicateurs qui ne se contentent plus de mesurer la production économique, mais qui intègrent des dimensions essentielles comme :
- la santé et l’éducation ;
- l’égalité et la cohésion sociale ;
- la durabilité environnementale ;
- la résilience économique ;
- le bien-être réel des citoyens.
L’objectif n’est pas de « tuer » le PIB, un outil toujours indispensable, mais de le replacer à sa juste place, parmi un tableau de bord plus large.
Les travaux doivent être présentés lors de la 80ᵉ Assemblée générale de l’ONU avant un processus d’adoption intergouvernemental.
Pourquoi le PIB ne suffit plus ?
Le constat est simple : une économie peut afficher une croissance florissante… tout en laissant sa population sur le bord de la route.
L’ONU et plusieurs institutions internationales rappellent que le PIB ne mesure pas :
- les inégalités ;
- le niveau de vie réel ;
- la qualité de l’environnement ;
- l’accès à l’emploi décent ;
- la durabilité de la croissance dans le temps.
Une croissance forte peut très bien coexister avec une pauvreté massive, une dégradation des sols, des services sociaux en panne ou une élite qui s’enrichit au détriment du reste de la population.
D’où la nécessité d’un outil plus humain, capable de capter ce que vivent les citoyens, pas seulement ce que produit l’économie.
Des indicateurs qui veulent refléter le vécu des populations
Au cœur du projet, une idée simple : le progrès doit se mesurer par la capacité d’un pays à améliorer la vie de ses habitants.
Le futur tableau de bord proposé par l’ONU pourrait ainsi inclure :
- des indicateurs de santé physique et mentale ;
- des mesures d’égalité femmes-hommes ;
- des indicateurs environnementaux : qualité de l’air, biodiversité, gestion des ressources ;
- un suivi des droits humains et de l’équité intergénérationnelle ;
- une évaluation de la résilience face aux chocs (pandémies, crises politiques, chocs climatiques).
Lors d’un forum organisé à Genève en octobre 2025, plusieurs experts ont insisté : « mesurer mieux, c’est gouverner mieux ». Beaucoup ont plaidé pour que la dignité humaine et la justice sociale deviennent des composantes incontournables de l’évaluation économique.
Une transition délicate mais incontournable
Changer d’indicateur ne se fera pas du jour au lendemain.
Il faudra renforcer les systèmes statistiques nationaux, harmoniser les méthodes de collecte de données et former les États à l’utilisation des nouveaux outils.
Mais les Nations unies martèlent que cette réforme est indispensable si le monde veut orienter ses politiques vers des objectifs réellement durables.
Le PIB a été conçu dans les années 1930 ; le XXIᵉ siècle exige mieux.
Un tournant historique en préparation
L’initiative « Beyond GDP » ouvre une nouvelle ère pour la gouvernance mondiale.
Si les recommandations du groupe d’experts sont adoptées, les dirigeants disposeront enfin d’un instrument capable de mesurer la vraie richesse d’un pays : celle qui se lit dans la santé, l’égalité, l’environnement et la qualité de vie.
Une petite révolution technocratique, certes, mais une grande avancée pour replacer l’humain au centre des priorités économiques.
Et si le progrès n’était plus une course, mais une trajectoire collective vers un avenir durable ?
La Rédaction



