Niger : L’État reprend la main sur les retraites, fin de la CARENI, début d’une nouvelle ère.
Le Niger a tranché. Après des années de dysfonctionnements, d’irrégularités et de tensions autour du paiement des pensions, le gouvernement a décidé de dissoudre la Caisse Autonome des Retraités du Niger (CARENI) et de transférer l’ensemble de la gestion des retraites au ministère de l’Économie et des Finances. Un tournant majeur, acté début décembre 2025, qui redessine complètement l’architecture du système de pension du pays.
Derrière ce changement institutionnel, un diagnostic clair : l’ancien modèle ne tenait plus. Et pour redonner confiance aux retraités, il fallait une réforme radicale.
Pourquoi dissoudre la CARENI ? Un système miné par les irrégularités
Créée pour gérer les pensions des fonctionnaires, des forces de défense et de sécurité, ainsi que des agents publics, la CARENI avait fini par accumuler les critiques.
Les autorités avaient notamment révélé :
- 3 113 cas de pensions indûment versées,
- une perte financière estimée à 540 millions FCFA par mois,
- des problèmes d’identification persistants, malgré des tentatives de digitalisation.
Ces dérives ont lourdement entamé la crédibilité de la structure, poussant le gouvernement à mettre fin à son existence. Un décret officialise le transfert de son patrimoine et de ses missions à l’État.
Le ministère des Finances aux commandes
Avec la dissolution de la CARENI, la gestion des retraites n’est plus autonome : elle est désormais intégrée directement dans l’appareil financier de l’État.
Une nouvelle Direction dédiée aux pensions
Un décret (n°2025-703/PRN/ME/F) crée une direction spécialisée au sein du ministère des Finances. Sa mission :
- assurer l’identification des retraités,
- liquider les pensions,
- garantir les paiements dans les délais,
- assainir les fichiers et renforcer les contrôles.
Les autorités promettent une continuité des paiements « sans aucune interruption » sur l’ensemble du territoire. Un engagement fort, alors que chaque retard alimente l’inquiétude d’une population particulièrement vulnérable.
Un chantier titanesque : assainir, contrôler, moderniser
La réforme n’est pas qu’un changement d’adresse administrative. Elle engage l’État dans un vaste travail de remise à plat.
1. Nettoyer les fichiers de pensionnés
Les irrégularités massives découvertes ces derniers mois montrent l’urgence d’un système fiable. La modernisation numérique, entamée mais jamais pleinement aboutie sous la CARENI, devra être relancée et renforcée.
2. Reprendre la main sur les ressources
En absorbant le patrimoine de la CARENI, le gouvernement devient responsable du financement et de l’équilibre global du régime. Une position à la fois stratégique… et risquée.
3. Rassurer les retraités
Dans un contexte de tensions sociales, les retraités représentent une catégorie particulièrement sensible. La réforme vise explicitement à protéger leur pouvoir d’achat et à restaurer la confiance perdue.
Et maintenant ? Entre soulagement et prudence
Pour beaucoup de pensionnés, la disparition de la CARENI ressemble à un aveu : le modèle n’était plus viable.
Mais c’est aussi une chance : l’État reprend le volant, avec la promesse d’un système plus transparent et plus efficace.
Reste une question essentielle : la mise en œuvre.
Car le plus dur commence maintenant : gérer des dizaines de milliers de dossiers, corriger les anomalies, assurer la continuité sans erreur… bref, transformer une décision politique en résultats concrets.
En dissolvant la CARENI, le Niger choisit d’assainir et de reconstruire plutôt que de rafistoler. Une réforme audacieuse, attendue, nécessaire. Mais comme toujours dans les transitions institutionnelles, la vérité se jouera dans les faits, pas dans les décrets. Les retraités ont entendu les promesses. Maintenant, ils attendent les preuves.
La Rédaction



