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Centrale de Sendou : La BAD décide de poursuivre la Compagnie d’Électricité du Sénégal.

Ce qui devait être un partenariat stratégique pour renforcer l’approvisionnement énergétique du Sénégal est en train de virer au bras de fer judiciaire. La Banque africaine de développement (BAD) a assigné la Compagnie d’Électricité du Sénégal (CES) devant le Tribunal de Commerce de Dakar.
L’affaire porte sur le projet de la centrale de Sendou, une infrastructure clé pour le mix énergétique national… mais aussi un chantier où s’entremêlent dettes, procédures de redressement et divergences contractuelles.

Selon les documents rendus publics, la BAD estime que la CES a modifié unilatéralement des clauses essentielles du concordat homologué le 28 février 2022, issu de sa procédure de redressement judiciaire. Au centre du litige : le taux d’intérêt appliqué à la dette de la BAD, pourtant défini dans une convention de financement signée dès 2012.


Le point de rupture : un taux d’intérêt… devenu fixe

La BAD rappelle que la dette qu’elle détient sur la CES devait être soumise à un taux variable, indexé sur l’Euribor, la marge contractuelle et les coûts obligatoires — comme prévu dans l’accord de 2012.

Or, dans le concordat de 2022, la CES aurait imposé un taux fixe de 3,5 %, sans consulter ni obtenir l’accord de la Banque.

Pour la BAD, cette transformation du taux variable en taux fixe constitue une modification non seulement irrégulière, mais préjudiciable à ses droits en tant que bailleur international.
La Banque estime que cette modification affecte la valeur de sa créance et menace sa position de créancier prioritaire, elle qui détient une hypothèque de premier rang sur les actifs et le terrain du projet Sendou.


Plusieurs tentatives d’accord avant la rupture

Contrairement à ce que laisserait penser le dépôt d’une plainte, la BAD n’a pas cherché immédiatement la voie judiciaire.

Plusieurs étapes de médiation ont précédé la procédure :

  • Octobre 2024 : mise en demeure adressée à la CES.
  • 6–7 novembre 2024 : réunions à Paris sous l’égide du syndic-contrôleur du redressement judiciaire.
  • 20 mars 2025 : dépôt par la BAD d’un mémoire détaillant son opposition juridique au taux fixe.
  • 12 juin 2025 : réponse de la CES maintenant sa position et refusant d’ajuster le concordat.

Après ces tentatives infructueuses, la BAD a estimé qu’aucune solution amiable n’était possible et a finalement saisi le tribunal.


Derrière le conflit, un symbole pour l’investissement en Afrique de l’Ouest

Ce procès dépasse le cadre d’un simple différend financier. Il cristallise un enjeu plus large : la crédibilité des mécanismes de financement des infrastructures en Afrique, particulièrement dans le secteur énergétique, où la confiance des bailleurs se construit sur la rigueur contractuelle.

Au Sénégal, le projet de la centrale de Sendou était censé contribuer à la stabilisation de l’offre électrique. Mais ce conflit pourrait retarder davantage sa relance, voire remettre en question certaines projections du gouvernement en matière d’approvisionnement énergétique.

De son côté, la BAD cherche à rappeler qu’un plan de redressement ne saurait permettre de modifier un accord financier international sans l’accord explicite du prêteur.


Une décision très attendue

Le Tribunal de Commerce de Dakar aura à trancher dans les prochains mois.
L’issue du procès déterminera non seulement l’avenir du partenariat entre la BAD et la CES, mais aussi la manière dont les investisseurs internationaux évalueront les risques de financement des infrastructures au Sénégal.

En attendant, une chose est sûre : le dossier Sendou, autrefois présenté comme un levier majeur de modernisation énergétique, est devenu un test grandeur nature de la solidité des engagements contractuels dans la région.
Et ce test, cette fois, se joue devant les juges — pas dans une salle de machine.

La Rédaction

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