Burkina Faso : SN-BRAFASO, une brasserie ressuscitée à plus de 17 milliards FCFA.
Après plus de quinze années de silence industriel, les machines de la Société nouvelle – Brasseries du Faso (SN-BRAFASO) se sont remises à tourner.
Le 25 novembre 2025, le président du Faso, capitaine Ibrahim Traoré, a présidé la cérémonie officielle de remise en service de cette unité, présentée par les autorités comme un symbole fort de la relance industrielle et de la souveraineté économique du Burkina Faso.
Ancienne BRAFASO, l’usine avait cessé ses activités en 2008, dans un contexte de difficultés financières et de concurrence accrue sur le marché des boissons. Pendant plus d’une décennie, elle a incarné le destin de nombre d’industries nationales : des outils laissés à l’abandon, progressivement dépassés, puis sortis des radars.
Avec SN-BRAFASO, les autorités veulent tourner cette page et montrer qu’il est possible de remettre en route des actifs industriels lourds, plutôt que d’entériner leur disparition.
Plus de 17 milliards FCFA pour une seconde vie industrielle
La renaissance de SN-BRAFASO n’est pas une simple réouverture formelle. Selon les informations disponibles, plus de 17 milliards FCFA ont été mobilisés pour réhabiliter et moderniser l’usine.
Ce montant a permis de :
- remettre à niveau les équipements de production,
- moderniser les lignes d’embouteillage,
- rénover les bâtiments industriels et les infrastructures techniques,
- adapter l’ensemble de l’outil de production aux exigences actuelles du marché et des normes.
SN-BRAFASO a été structurée comme une société d’économie mixte, dotée d’un capital social d’environ 6 milliards FCFA, dont 70 % sont désormais détenus par l’État burkinabè.
En clair, l’État ne se contente pas d’être un arbitre ou un actionnaire symbolique : il reprend la main sur un outil qu’il considère comme stratégique dans le paysage industriel.
Une capacité de 600 000 hectolitres et un pari sur le “made in Faso”
Au terme des travaux, SN-BRAFASO revendique une capacité de production d’environ 600 000 hectolitres par an. L’usine est appelée à produire aussi bien des boissons alcoolisées que des boissons non alcoolisées, destinées au marché local et, potentiellement, à l’export dans la sous-région.
Un point clé de la stratégie annoncée est l’intégration de matières premières locales :
- céréales produites au Burkina Faso (maïs, sorgho, riz),
- renforcement des liens avec les filières agricoles,
- montée en puissance progressive des approvisionnements locaux afin de limiter les importations d’intrants.
L’objectif affiché est clair :
- réduire la dépendance aux importations de boissons et de matières premières,
- valoriser la production agricole nationale en lui offrant un débouché industriel stable,
- faire de SN-BRAFASO une vitrine de la transformation locale.
Des centaines d’emplois directs, des milliers d’emplois indirects annoncés
Dans un contexte social et sécuritaire tendu, le volet emploi est au cœur de la communication autour de la brasserie.
D’après les chiffres avancés par les autorités et relayés par la presse :
- environ 200 emplois permanents sont créés au sein de l’usine,
- plus de 100 emplois non permanents viennent s’ajouter aux effectifs,
- jusqu’à 20 000 emplois indirects sont attendus dans :
- l’agriculture (production de céréales et fourniture d’intrants),
- le transport et la logistique,
- la distribution et le commerce de détail.
Au-delà des emplois liés directement à la chaîne industrielle, SN-BRAFASO est donc présentée comme un moteur potentiel de dynamisation économique locale, capable de structurer des pans entiers de l’écosystème, du champ au point de vente.
Une pièce maîtresse de la nouvelle politique industrielle
La remise en marche de SN-BRAFASO ne vient pas seule. Elle s’inscrit dans une stratégie plus large de réhabilitation des unités industrielles jugées stratégiques.
Des visites du Premier ministre sur le chantier, plusieurs mois avant la remise en service, avaient d’ailleurs insisté sur :
- le caractère prioritaire du projet dans la politique gouvernementale,
- les contraintes rencontrées : contexte sécuritaire, tensions de financement, difficultés d’approvisionnement,
- la volonté de faire de SN-BRAFASO un exemple de réussite d’une réhabilitation industrielle menée à terme.
Pour certains observateurs burkinabè, la relance de SN-BRAFASO constitue un test grandeur nature : si l’État parvient à faire tourner durablement cette brasserie, il pourra plus facilement défendre d’autres projets de réindustrialisation et convaincre des partenaires de s’y associer.
Un retour dans un marché des boissons déjà très concurrentiel
SN-BRAFASO ne redémarre pas dans un vide économique. Le marché burkinabè des boissons est déjà occupé par plusieurs acteurs majeurs, qu’il s’agisse des bières industrielles, des boissons gazeuses ou des eaux minérales.
L’arrivée – ou plutôt le retour – d’un opérateur majoritairement public sur ce segment pourrait :
- intensifier la concurrence sur les prix, la qualité et l’innovation,
- favoriser une meilleure rétention de la valeur ajoutée dans le pays,
- renforcer le pouvoir de l’État comme acteur économique direct dans un secteur à forte consommation.
Mais cette configuration pose aussi des questions :
- la gouvernance de l’entreprise sera-t-elle suffisamment professionnelle pour éviter les dérives politiques ?
- SN-BRAFASO pourra-t-elle soutenir la comparaison avec des groupes internationaux bien capitalisés et rompus à la compétition régionale ?
- l’État acceptera-t-il de laisser l’entreprise fonctionner avec les contraintes et la discipline du secteur privé ?
Autant d’interrogations qui ne trouveront de réponse qu’avec le temps.
Une renaissance prometteuse… à confirmer dans la durée
À coup de milliards de FCFA, de discours sur la souveraineté et d’affichages patriotiques, le Burkina Faso remet en route un symbole de son histoire industrielle.
La remise en service de SN-BRAFASO envoie un signal positif : il est possible de redonner vie à des usines abandonnées, de créer des emplois, de connecter industrie et agriculture, et de reprendre la main sur certains segments clés de l’économie.
Mais derrière les chiffres et les rubans coupés, la vraie bataille commence maintenant.
La réussite de SN-BRAFASO se jouera sur :
- sa capacité à produire régulièrement,
- la qualité de ses produits,
- sa compétitivité face aux acteurs en place,
- et la rigueur de sa gestion.
Autrement dit, ce n’est pas le jour de l’inauguration qui dira si la brasserie deviendra un pilier de la souveraineté industrielle burkinabè, mais sa capacité à résister à l’épreuve du marché.
Si elle y parvient, les 17 milliards FCFA investis apparaîtront comme le prix à payer pour une vraie renaissance industrielle. Dans le cas contraire, SN-BRAFASO risquerait de rejoindre la longue liste des symboles chers à remettre en marche, mais jamais vraiment rentables.
La Rédaction



