Sénégal : 3 655 milliards FCFA de ressources de trésorerie mobilisées à fin septembre 2025.
À fin septembre 2025, l’État du Sénégal avait mobilisé 3 655,8 milliards FCFA de ressources de trésorerie, soit 64 % d’un besoin annuel estimé à 5 715,6 milliards. Ces financements, portés majoritairement par les levées sur les marchés financiers, illustrent à la fois la capacité de l’État à trouver des ressources et la forte dépendance croissante vis-à-vis de la dette.
Selon le dernier rapport trimestriel d’exécution budgétaire publié par le ministère des Finances et du Budget, les ressources de trésorerie mobilisées à fin septembre 2025 s’élèvent à 3 655,8 milliards FCFA, soit 64 % du besoin annuel, fixé à 5 715,6 milliards FCFA.
Ces ressources constituent l’enveloppe globale utilisée par l’État pour couvrir le déficit budgétaire et les besoins de trésorerie, en complément des recettes fiscales et non fiscales. Elles regroupent principalement :
- les levées sur les marchés financiers,
- les emprunts projets auprès des bailleurs,
- et, à la marge, d’autres financements de trésorerie.
En parallèle, les recettes du budget général (impôts, taxes, droits de douane, autres recettes) sont évaluées à 3 254 milliards FCFA à fin septembre, soit près de 69,7 % des prévisions annuelles. Le déficit budgétaire sur les neuf premiers mois atteint environ 1 059 milliards FCFA, soit 4,88 % du PIB, un niveau présenté comme inférieur à la cible annuelle.
Autrement dit, l’État a encaissé des recettes, mais a dû recourir massivement à l’endettement pour équilibrer son exécution budgétaire et assurer ses engagements.
Un financement largement porté par les marchés financiers
Le rapport du ministère montre que la majeure partie des 3 655,8 milliards FCFA provient des marchés financiers. Les levées de fonds via l’émission de titres publics représentent environ 2 775,1 milliards FCFA, soit 73,6 % des prévisions annuelles pour cette catégorie de financement.
Ces levées se font essentiellement :
- sur le marché régional UMOA-Titres, à travers des émissions de bons et d’obligations du Trésor ;
- et, le cas échéant, sur d’autres segments de marché, en fonction des besoins et des fenêtres d’opportunité.
En comparaison, les emprunts projets, généralement conclus avec des bailleurs bilatéraux et multilatéraux, affichent un taux de mobilisation plus modeste, autour de 62,5 % des prévisions annuelles. Les décaissements sur ces lignes sont souvent plus lents, en raison des conditions de mise en œuvre des projets.
Cette structure de financement traduit une réalité : le Sénégal s’appuie fortement sur les marchés pour financer son budget, au rythme des adjudications et des émissions de titres publics.
Recettes en progression, mais un besoin de financement toujours élevé
Sur le front des recettes, le rapport budgétaire fait état de 3 254 milliards FCFA de recettes mobilisées à fin septembre 2025, soit près de 70 % de l’objectif annuel. Les performances fiscales sont jugées globalement en ligne avec les prévisions, malgré un environnement marqué par :
- une conjoncture internationale encore incertaine,
- la pression sur le coût de la vie,
- et les exigences de financement des politiques publiques.
Pour autant, ces recettes ne suffisent pas à couvrir l’ensemble des dépenses. Le déficit budgétaire, estimé à 4,88 % du PIB à fin septembre, demeure conséquent, même s’il reste inférieur à la cible annuelle communiquée par les autorités.
L’écart entre les recettes et les dépenses est donc comblé par les 3 655,8 milliards FCFA de ressources de trésorerie mobilisées, ce qui renforce mécaniquement le stock de dette publique.
Ressources mobilisées : ce que cela dit de la trajectoire de la dette
Le chiffre de 3 655,8 milliards FCFA est techniquement une bonne nouvelle sur un point : l’État parvient à se financer, ce qui lui permet d’honorer ses engagements, de poursuivre ses projets et de limiter les tensions de trésorerie.
Mais il met aussi en lumière plusieurs enjeux de fond :
- Une dépendance accrue à la dette
Une part importante des ressources mobilisées vient de l’endettement, en particulier sur les marchés. Dans un contexte où le niveau de dette publique du Sénégal est déjà très élevé, la question de la soutenabilité de cette trajectoire se pose avec acuité. - Un poids croissant du service de la dette
Plus l’État emprunte, plus la charge d’intérêts et de remboursement augmente. Cela réduit les marges de manœuvre budgétaires pour financer les priorités économiques et sociales, notamment dans les secteurs sociaux (éducation, santé) et dans les infrastructures. - Une exposition aux conditions des marchés financiers
La capacité à mobiliser 2 775 milliards FCFA sur les marchés signifie aussi que le Sénégal reste dépendant de la confiance des investisseurs. En cas de durcissement des conditions financières, de hausse des taux ou de tensions de liquidité sur le marché régional, cette stratégie peut se révéler plus coûteuse ou plus risquée.
Un équilibre fragile entre crédibilité budgétaire et contraintes sociales
Les autorités sénégalaises mettent en avant deux messages :
- d’un côté, une exécution budgétaire jugée globalement maîtrisée, avec des recettes en progression et un déficit contenu à fin septembre par rapport aux cibles ;
- de l’autre, la nécessité de poursuivre les réformes de redressement des finances publiques, en rationalisant certaines dépenses et en améliorant la mobilisation des recettes.
Dans le même temps, le pays doit répondre à de fortes attentes sociales : pouvoir d’achat, emploi des jeunes, investissements dans les secteurs prioritaires, prise en charge des vulnérabilités. Or, la marge de manœuvre budgétaire se réduit à mesure que la dette pèse plus lourd dans le budget.
Le niveau des 3 655,8 milliards FCFA de ressources mobilisées illustre bien cette tension :
L’État réussit à se financer, mais au prix d’un recours massif à la dette, dans un environnement où chaque nouvelle émission de titres vient alimenter un stock déjà très élevé.
Qu’un État mobilise 3 655 milliards FCFA de ressources de trésorerie en neuf mois peut se lire de deux façons : la preuve d’une capacité intacte à trouver des financements sur les marchés, ou le symptôme d’un modèle budgétaire qui vit sous perfusion de dette.
Dans le cas du Sénégal, la réponse se jouera dans les prochaines années : entre la promesse d’un assainissement des finances publiques et la réalité des besoins sociaux, il faudra plus que des chiffres bien présentés dans un rapport pour convaincre que la trajectoire actuelle est durable.
La Rédaction


