Bamako, vitrine de l’initiative AES : Un Salon de l’entrepreneuriat pour sortir la jeunesse de l’informel.
À Bamako, l’Alliance des États du Sahel (AES) a choisi un terrain très concret pour parler d’avenir : l’entrepreneuriat des jeunes. Du 18 au 21 novembre 2025, la capitale malienne accueille le Salon de l’entrepreneuriat de l’AES, un rendez-vous qui met résolument l’accent sur l’auto-emploi et la formation professionnelle, dans une région où une très grande partie de la jeunesse évolue en dehors du marché formel.
L’événement se tient sur l’esplanade du Stade du 26-Mars, sous la coordination du ministère malien de l’Entrepreneuriat national, de l’Emploi et de la Formation professionnelle, et s’inscrit dans la vision de “Mali Kura 2063”, qui ambitionne une transformation structurelle de l’économie malienne par le capital humain, l’innovation et l’intégration régionale.
Un Salon au cœur de la stratégie AES : montrer que l’intégration n’est pas qu’une affaire de sécurité
Depuis leur rapprochement au sein de l’AES, le Mali, le Burkina Faso et le Niger sont souvent évoqués sous l’angle sécuritaire. Avec ce Salon, les autorités veulent envoyer un autre message : celui d’une alliance qui se veut aussi économique et sociale.
Le Salon de l’entrepreneuriat de l’AES est présenté comme un cadre de rencontres entre :
- jeunes porteurs de projets des trois pays,
- centres de formation et dispositifs de formation professionnelle,
- structures de financement (banques, microfinance, fonds, incubateurs),
- et partenaires techniques et institutionnels.
Selon des médias comme APA News et Journal du Faso, l’événement attend près de 5 000 participants et environ 1 500 visiteurs par jour, un volume significatif pour un salon spécialisé dans une région marquée par l’insécurité et la fragilité économique.
Auto-emploi : faire de la contrainte une opportunité
Les organisateurs ne se cachent pas derrière les mots. Le Salon répond à une réalité brutale : dans les pays de l’AES, le chômage et le sous-emploi des jeunes sont massifs, et une majorité d’entre eux travaillent dans des activités informelles, sans protection sociale, sans accès au crédit et sans perspectives claires de progression.
Plutôt que de promettre des emplois publics qui n’existent pas, le Salon assume un choix : faire de l’auto-emploi un levier central de création de revenus.
L’idée est double.
D’abord, montrer que l’entrepreneuriat n’est pas réservé à une élite urbaine, mais peut concerner les jeunes des quartiers populaires, des villages, des zones rurales ou périurbaines.
Ensuite, déplacer le curseur : ne plus se contenter de micro-activités de survie, mais pousser vers des projets un minimum structurés, capables de créer de la valeur et de l’emploi.
Formation professionnelle : donner des compétences avant de parler financement
L’une des particularités du Salon est l’importance donnée à la formation professionnelle et au renforcement de capacités.
Le programme prévoit :
- des conférences de haut niveau sur l’intégration économique, l’innovation, la souveraineté productive et le rôle des jeunes dans l’économie du Sahel ;
- des panels sur le financement des PME/PMI, le défi de la formalisation, le rôle des femmes dans l’entrepreneuriat, l’économie numérique et l’agro-business ;
- des ateliers pratiques consacrés au montage de business plan, à la gestion de trésorerie, au marketing digital, à la création d’entreprise formelle, aux outils numériques ;
- des sessions de coaching et de mentoring pour aider les porteurs de projets à clarifier leur modèle économique et à préparer leurs pitchs.
Le message est clair : avant de demander un crédit, il faut maîtriser les bases de la gestion, savoir présenter son projet et comprendre les exigences des financiers.
Incubation, concours et expositions : un écosystème en construction
Le Salon se veut aussi une vitrine de l’écosystème entrepreneurial AES en train de se structurer.
Des incubateurs, des centres de formation, des structures de microfinance, des banques, des fonds et des partenaires techniques y tiennent des stands et des espaces d’échanges.
Un concours de plans d’affaires est organisé pour identifier des projets jugés particulièrement porteurs. Les lauréats bénéficient d’un appui technique – et, dans certains cas, d’un accompagnement financier ou d’un accès facilité à des dispositifs de financement existants.
À travers ces outils, le Salon essaie de faire plus qu’un simple événement de communication. Il tente de créer des passerelles durables entre :
- les jeunes en quête de solutions,
- les institutions publiques,
- et les acteurs financiers et de l’accompagnement.
Une jeunesse à ramener dans le “radar” économique formel
Derrière les stands, les panels et les discours, l’enjeu est profond.
La zone AES est confrontée à une triple crise :
- sécurité,
- gouvernance et finances publiques,
- emploi et perspectives pour la jeunesse.
Dans ce contexte, une grande partie des jeunes se débrouille dans :
- le petit commerce informel,
- des activités de service peu rémunératrices,
- des emplois temporaires,
- ou des trajectoires migratoires risquées.
Le Salon de l’entrepreneuriat de l’AES se pose comme un outil pour ramener cette jeunesse dans le “radar” économique formel, non pas en la forçant brutalement à se formaliser, mais en lui montrant :
- les avantages d’une activité structurée (accès au crédit, aux marchés, aux contrats publics ou privés),
- l’existence de programmes de formation et d’accompagnement,
- et le début d’un cadre régional qui pourrait, à terme, faciliter la circulation des projets, des capitaux et des compétences entre Mali, Burkina Faso et Niger.
Un test grandeur nature pour l’ambition économique de l’AES
En organisant à Bamako un Salon de l’entrepreneuriat placé sous le signe de l’auto-emploi et de la formation professionnelle, les pays de l’AES jouent une partie importante de leur crédibilité économique.
Si l’événement reste cantonné à des discours et des photos officielles, il rejoindra la longue liste des rendez-vous sans lendemain. Mais s’il parvient à déboucher sur :
- des centaines de jeunes mieux formés et mieux informés,
- des projets accompagnés dans la durée,
- des financements effectivement mobilisés,
Alors il pourra être vu comme un laboratoire concret de la stratégie économique de l’AES.
Dans une région où la marginalisation de la jeunesse nourrit l’instabilité, ce Salon rappelle une évidence : investir dans l’entrepreneuriat et la formation professionnelle des jeunes n’est pas seulement une politique économique, c’est une condition de sécurité et de stabilité à long terme.
La Rédaction



