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Sénégal : Cap sur la finance verte, Dakar prépare sa première obligation écologique régionale.

Le Sénégal veut verdir sa dette. Après avoir innové avec le sukuk islamique, le pays s’apprête à franchir un nouveau cap : émettre sa toute première obligation verte sur le marché régional de l’Union économique et monétaire ouest-africaine (UEMOA). Une première dans la sous-région qui traduit une volonté claire de conjuguer financement du développement et transition écologique.

L’annonce a été faite par le ministre des Finances et du Budget, Cheikh Diba, lors du Forum ouest-africain sur la finance durable et l’investissement (Wasfif) tenu à Dakar. Le Sénégal, a-t-il déclaré, « se prépare à devenir le premier État de l’UEMOA à émettre une obligation verte sur le marché régional ».

Derrière cette déclaration, un travail de fond est déjà en cours. Le gouvernement a élaboré un document-cadre national de financement durable, un outil de référence qui identifie les projets à fort impact environnemental et définit les critères d’éligibilité pour le futur portefeuille d’investissements verts.

Ce document sert de boussole pour les institutions publiques, les collectivités locales et les partenaires privés désireux de mobiliser des ressources sur des projets verts : infrastructures résilientes, énergie renouvelable, gestion durable de l’eau, ou encore reboisement et lutte contre l’érosion côtière.


Pourquoi une obligation verte ?

En clair, une obligation verte fonctionne comme un emprunt d’État classique, sauf que les fonds levés doivent financer exclusivement des projets à bénéfices environnementaux mesurables. Autrement dit : le Sénégal compte s’endetter, mais pour la bonne cause — celle de la durabilité.

Dans un contexte de crise climatique accrue, où le pays subit de plein fouet les inondations, la désertification et l’érosion du littoral, cette initiative se veut autant économique qu’écologique. Elle permettra d’attirer des investisseurs soucieux d’impact, tout en ouvrant à l’État de nouvelles sources de financement.

Le ministre Diba ne cache pas l’ambition : faire du Sénégal un pionnier de la finance durable en Afrique de l’Ouest, un modèle qui allie rentabilité financière et engagement environnemental.


Un marché régional prêt à accueillir le vert

L’UEMOA s’est dotée depuis 2020 d’un cadre pour les obligations vertes, sociales et durables. Mieux encore, en 2024, une taxonomie régionale — sorte de dictionnaire des activités vertes — est entrée en vigueur pour garantir que les projets financés soient réellement alignés sur les standards internationaux.

Cette architecture régionale offre donc au Sénégal un terrain propice pour lancer son émission, avec la Bourse régionale des valeurs mobilières (BRVM) comme principal canal. Aucun autre État de la zone n’a encore franchi ce pas. L’initiative de Dakar pourrait ainsi ouvrir la voie à d’autres pays comme la Côte d’Ivoire, le Bénin ou le Togo.


Des défis à la hauteur des ambitions

Mais pour être crédible, une obligation verte ne s’improvise pas. Le Sénégal devra s’assurer que son émission respecte les principes de transparence, de traçabilité et de certification exigés par les investisseurs.
Un audit externe devra valider le caractère vert des projets financés, et un reporting régulier sera nécessaire pour prouver l’impact réel.

Autre enjeu : la réceptivité du marché. Les investisseurs régionaux sont encore peu familiers des instruments ESG (Environnement, Social, Gouvernance). Attirer des capitaux privés et institutionnels vers une obligation verte exigera un travail de pédagogie et, peut-être, des incitations.

Enfin, le contexte macroéconomique pèse. Avec une dette publique avoisinant les 74 % du PIB, le Sénégal devra convaincre qu’il ne s’agit pas d’une simple opération cosmétique, mais bien d’un virage stratégique vers une gestion plus soutenable de sa dette et de ses engagements climatiques.


Vers une nouvelle génération d’emprunts africains

Si cette émission aboutit, elle placerait Dakar en éclaireur d’une tendance mondiale : la montée en puissance des financements durables dans les économies émergentes. Après les eurobonds, les sukuks et les émissions classiques, les États africains explorent désormais la finance verte comme levier de développement.

Le Sénégal, qui cherche à financer sa transition énergétique et son adaptation climatique, pourrait ainsi devenir le premier pays de l’UEMOA à prouver qu’on peut conjuguer « croissance et conscience écologique ».

Et si cette première obligation verte rencontre le succès espéré, elle pourrait ouvrir une série verte régionale, transformant le visage du financement public en Afrique de l’Ouest.


Un pari vert sur l’avenir

Dans une zone encore dominée par les emprunts traditionnels, le Sénégal tente un pari audacieux : verdir la dette pour verdir le développement.
Si le marché répond présent, ce sera une première victoire symbolique et financière pour un pays qui veut prouver qu’on peut s’endetter mais proprement.

La Rédaction

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