Niger : CNPC continue à pomper du pétrole malgré le bras de fer avec Niamey.
Alors que les tensions entre Niamey et Pékin se sont accentuées ces derniers mois, le géant chinois CNPC (China National Petroleum Corporation) poursuit imperturbablement ses exportations de pétrole depuis le champ d’Agadem. Un symbole de la complexité des relations énergétiques entre le Niger et ses partenaires étrangers, où souveraineté, revenus pétroliers et exigences sociales s’entrechoquent.
Un partenariat sous pression
Selon l’agence Reuters (17 octobre 2025), les autorités nigériennes et la CNPC traversent une période de désaccords marquée par des revendications de plus en plus fermes du gouvernement. Niamey souhaite que le groupe chinois augmente la proportion de travailleurs locaux — actuellement estimée à moins de 30 % — pour atteindre 80 % du personnel, tout en exigeant une meilleure rémunération et un accès élargi aux postes de responsabilité pour les Nigériens.
La CNPC, qui a investi plus de 5 milliards de dollars dans le développement du gisement d’Agadem, estime de son côté que de tels objectifs sont « difficiles à atteindre » en raison du manque de compétences techniques locales immédiatement disponibles.
Ces tensions ne datent pas d’hier : en mars 2025, les autorités nigériennes avaient déjà expulsé trois cadres supérieurs chinois et exigé le remplacement des expatriés ayant dépassé quatre ans de présence sur le sol nigérien. Des mesures qui témoignent de la volonté du pays de reprendre la main sur un secteur stratégique.
La machine pétrolière ne s’arrête pas
Malgré ces désaccords, les opérations pétrolières de la CNPC tournent à plein régime. Le champ d’Agadem, entré dans sa deuxième phase de production, atteint aujourd’hui environ 90 000 barils par jour.
Les exportations se poursuivent à travers le pipeline reliant le Niger au port de Cotonou, au Bénin — une infrastructure d’environ 1 950 km considérée comme la plus longue du continent pour ce type de projet. À ce jour, près de 32 millions de barils du brut nigérien, appelé Meleck crude, ont été exportés vers l’Asie et l’Europe, générant plus de 2 milliards de dollars de recettes.
Les marchés mondiaux continuent donc de s’approvisionner sans interruption, preuve que les tensions politiques ne se traduisent pas (encore) par un blocage économique.
Entre souveraineté et pragmatisme
Pour Niamey, l’enjeu dépasse le seul partage des revenus pétroliers. Le gouvernement cherche à imposer un nouveau modèle de gestion souveraine des ressources naturelles, où les partenaires étrangers contribuent davantage à la montée en compétence des populations locales.
En mars dernier, le Conseil des ministres a d’ailleurs adopté plusieurs mesures destinées à renforcer le contrôle de l’État sur le secteur, incluant une révision des contrats pétroliers et une application stricte de la loi sur le contenu local.
Mais la CNPC, principal investisseur énergétique du pays, reste un acteur incontournable : sans ses infrastructures et son expertise, le Niger aurait du mal à exploiter efficacement ses gisements. Un équilibre fragile s’impose donc entre affirmation politique et dépendance économique.
Un partenariat à réinventer
Au fond, le bras de fer entre Niamey et Pékin illustre les dilemmes typiques de nombreux pays africains producteurs : comment défendre sa souveraineté sans compromettre les flux économiques vitaux ?
Le Niger, désormais quatrième producteur de pétrole d’Afrique de l’Ouest, veut transformer ses ressources en véritable levier de développement — pas seulement en rente. Mais la CNPC, pragmatique et stratégique, avance à son rythme, soutenue par la Chine, dont les besoins énergétiques continuent de croître.
À défaut de trouver un terrain d’entente rapide, la coopération sino-nigérienne risque de rester un jeu d’équilibriste permanent, entre pétrole et politique.
Le pétrole nigérien coule toujours, mais la confiance, elle, se raffine plus lentement. Derrière les chiffres et les pipelines, une question demeure : qui tient vraiment la vanne du pouvoir économique au Sahel ?
La Rédaction



