
Sénégal : La nouvelle taxe sur le mobile money fait débat.
Le gouvernement sénégalais a décidé de frapper fort. Dans le cadre de son plan de redressement économique et social 2025-2028, une réforme fiscale visant le secteur du mobile money est en discussion. Objectif affiché : élargir l’assiette fiscale et mobiliser près de 220 milliards FCFA sur trois ans. Mais cette mesure suscite déjà de vives réactions, tant chez les usagers que chez les commerçants.
Le détail de la réforme
Le projet prévoit une taxation à 0,5 % sur les transferts et retraits réalisés via le mobile money. Les paiements marchands, c’est-à-dire les transactions effectuées chez les commerçants, seraient quant à eux taxés à hauteur de 1,5 %.
Selon les autorités, cette mesure n’est pas qu’une opération comptable. Elle vise aussi à mieux encadrer des flux financiers devenus massifs au Sénégal, où le mobile money est désormais utilisé par plusieurs millions de personnes, parfois comme seule alternative au système bancaire classique.
Un outil de recettes, mais un risque pour l’inclusion financière
Pour l’État, la taxe représente une manne indispensable. Le pays traverse une période budgétaire délicate, marquée par un endettement important. Le mobile money, qui concentre aujourd’hui des volumes considérables de transactions, apparaît comme un levier fiscal incontournable.
Mais de nombreux économistes et associations de consommateurs s’inquiètent. Taxer le mobile money, c’est prendre le risque de pénaliser les plus modestes, ceux qui utilisent ces services pour leurs petites transactions quotidiennes. Dans les zones rurales, où les banques sont rares, le mobile money a permis d’intégrer des milliers de personnes au système financier.
Les critiques fusent
Plusieurs opérateurs et parlementaires redoutent un retour au cash. Si les frais deviennent trop lourds, beaucoup pourraient préférer revenir aux paiements en espèces, ce qui irait à l’encontre des efforts de digitalisation de l’économie. D’autres craignent que la réforme ne stimule, au contraire, l’informel, rendant plus difficile le suivi des flux financiers.
Le gouvernement, de son côté, tente de rassurer. Des exonérations pour les petites transactions sont évoquées afin de ne pas pénaliser les usagers les plus vulnérables.
Une équation délicate
La réforme pose une question centrale : comment concilier la nécessité de renforcer les finances publiques avec l’impératif de préserver un outil d’inclusion financière ? Le débat est désormais ouvert à l’Assemblée nationale.
En touchant au mobile money, l’État sénégalais met la main sur un secteur vital de l’économie numérique. Mais l’équilibre sera fragile : trop taxer, et c’est tout un système de modernisation financière qui risque de vaciller ; ne rien faire, et c’est le déficit budgétaire qui continue de s’alourdir. Entre inclusion et recettes, le pays joue une partie serrée.
La Rédaction